Copiez ce livre d’Eric Schrijver est un manuel écrit, non par un juriste ou un avocat, comme d’ordinaire en pareil cas, mais par un bénéficiaire qui propose une « vision militante » du droit d’auteur. Et c’est heureux. Après avoir rappelé la tendance à l’uniformisation de ce droit, amorcée dès 1886 par la Convention de Berne, il mêle à une approche technique et critique des exemples concrets. Sa réflexion s’étend non seulement à la « parentalité » (terme qu’il préfère à celui de paternité) de l’œuvre, l’appropriation culturelle, les licences, mais encore aux polices de caractères et aux communs.
La connaissance qu’a Eric Schrijver de la scène artistique et de l’édition l’encourage à faire des distinctions rarement abordées. Ainsi souligne-t-il la différence fondamentale du droit d’auteur pour les écrivains et pour les artistes. Conçu à l’origine pour protéger la littérature, ce droit régit les conditions de la reproduction d’une œuvre et de la diffusion de cette reproduction. Voilà pourquoi il joue un rôle essentiel dans la rémunération
des écrivains, mais accessoire dans celle des plasticiens. En effet, les premiers moyennent l’exploitation de leurs textes quand les seconds vendent des œuvres originales – leur reproduction ne forme donc qu’une source de revenus secondaire. Par ailleurs, les limites étroites de la rétribution des écrivains n’ont jamais été aussi nettement énoncées : le droit d’auteur n’étant pas une gratification pour le travail fourni lors de l’écriture, pour être clair, ce travail est gratuit.
À QUI PROFITE LE DROIT D’AUTEUR ?
Le droit d’auteur, poursuit Eric Schrijver, en courant soixante-dix ans après la mort du créateur, sert avant tout les maisons d’édition. Or, une œuvre qui continue à être reproduite et diffusée après la disparition de son auteur (c’est-à-dire une infime minorité) a acquis une portée culturelle qui justifierait, affirme-t-il, un accès élargi au public. Par ailleurs, dans le domaine des arts visuels, Eric Schrijver juge le droit d’auteur contraignant. Peu adapté aux pratiques de détournement et d’appropriation fréquentes dans l’histoire de l’art depuis le pop art, il « limite la liberté artistique ».
Publié sous licence Creative Commons Attribution afin de favoriser sa diffusion, le livre est composé en Baskervvol, une typographie inclusive (pas toujours aussi lisible qu’espéré) imaginée par le collectif Bye Bye Binary. Légèrement graissée, elle évoque, associée à la trame rosée du papier, l’esthétique de la photocopie. L’ouvrage est traduit de l’anglais de façon collaborative. Il est illustré de schémas éclairants réalisés par l’auteur et d’images libres de droits. J’oubliais : schrijver signifie « écrivain » en néerlandais.
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Eric Schrijver & co., Copiez ce livre, Cluny, Les Commissaires anonymes, 2023, 192 pages, 17 euros.