« Je vous remercie pour votre mail. J’ai quitté mes fonctions au sein de Palexpo SA et je n’ai plus d’accès à ma messagerie. » Voilà la réponse automatique envoyée par courriel à tous ceux qui cherchaient à joindre Thomas Hug en plein mois de juillet. Son numéro de mobile professionnel ? Idem, aux abonnés absents. Rien n’indiquait pourtant que le directeur d’artgenève depuis onze ans et d’artmonte-carlo, créée en 2016, envisageait de quitter ses fonctions. Une situation d’autant plus étrange qu’elle survenait peu après le succès de la 7e édition de la foire monégasque, ce même mois de juillet. Une impression que confirment tous ceux qui ont croisé Thomas Hug là-bas et l’ont vu plein de projets.
Quelques semaines plus tard, Palexpo SA, propriétaire d’artgenève, envoyait un communiqué de presse expliquant que la foire serait désormais dirigée par Charlotte Diwan, alors en charge de la communication et des relations VIP du Salon d’art, avec le soutien du marchand Philippe Davet, acteur de la première heure d’artgenève – ce dernier n’a pas souhaité répondre à nos questions. Mais pas un mot sur le départ de Thomas Hug et de son bras droit, Laura Meillet, dont les noms ne figurent même pas dans le communiqué. « Thomas Hug a fait la réussite d’artgenève, l’a amenée au niveau international qu’elle connaît aujourd’hui. Mais comme dans toutes les foires, il est parfois bon d’en changer la direction, nous explique Claude Membrez, directeur général de Palexpo SA. Je comprends que cela fasse du bruit. Quand nous avons remplacé Isabelle Falconnier à la tête du Salon du livre [de Genève, ndlr], les réactions aussi ont été vives. » Sauf qu’ici, avec la réponse automatique, le numéro de téléphone bloqué, les noms éludés… il y a comme un air d’éviction précipitée. Claude Membrez ne veut pas lâcher plus d’explications. Pas plus que Thomas Hug qui préfère constituer sa défense en se taisant pour l’instant.
« Une partie de la problématique vient des biennales Sculpture Garden organisées à Genève et, cette année aussi, en collaboration avec la biennale de Crans-Montana, fini par laisser échapper Claude Membrez. Rien n’est encore décidé pour l’instant, mais pas sûr que celle de Genève aura lieu en 2024. » Comprenez que ces grandes expositions estivales d’art contemporain en plein air devraient passer à la trappe. Contrairement aux foires de Genève et de Monte-Carlo, les biennales, tout comme le programme Night-Fall qui marie la haute gastronomie et l’art contemporain, coûtent plus qu’elles ne rapportent, si ce n’est en termes d’image et de rayonnement. « Ce serait aussi bien que la Ville de Genève (partenaire de l’exposition, ndlr) reprenne ces manifestations », réfléchit tout haut le directeur de Palexpo. Lequel assure vouloir continuer à s’engager durablement pour artgenève et artmonte-carlo. Et confirme sa pleine confiance à Charlotte Diwan. « Elle travaille avec nous depuis plusieurs années. Elle connaît parfaitement le milieu de l’art et le marché aussi bien local qu’international et sait tout de l’organisation des salons. Nous sommes en train de recruter des gens pour l’épauler. En cela, il était très important pour nous de demander à Philippe Davet de lui servir de conseiller. Son rôle ne sera pas de diriger la foire, mais de soutenir activement Charlotte dans son travail, notamment dans la création d’un comité d’orientation. » L’engagement de Charlotte Diwan est surtout une manière d’assurer la prochaine édition d’artgenève prévu du 25 au 28 janvier 2024. Ce qui aurait semblé difficile dans le cas d’un recrutement extérieur. « Elle est jeune, elle est vive et pose les bonnes questions. Pour elle, c’est une belle opportunité de se révéler », décrit son entourage. Une sacrée pression !
Très disponible, hyperactif et toujours aux petits soins pour ses exposants, Thomas Hug incarne depuis onze ans artgenève. Face à la décision brutale de son départ, il faudra maintenant savoir si les sponsors et les galeristes suivront. « Toute cette histoire est un gâchis monumental, déplore un marchand genevois sous couvert d’anonymat. Mais ce serait encore pire si nous ne participions pas à la foire. Nous avons enfin à Genève une foire d’art internationale de très grande qualité, qui est géniale pour les jeunes artistes et où nous faisons d’excellentes affaires. Business is business. On ne peut pas la laisser tomber. »