« Le moins connu des photographes célèbres », c’est ainsi que se définissait Frank Horvat (1928-2020), Parisien d’adoption d’origine italienne. Sa virtuosité à donner vie aux créations par des mises en scène spontanées, doublée d’une manière bien à lui de saisir les regards en ont fait un des photographes de mode les plus prisés de son époque.
Les clichés de mode, pour beaucoup devenus iconiques, ont bien souvent éclipsé le superbe travail de reportage qui a guidé les premières années de carrière de Frank Horvat. Se concentrant sur la période fondatrice de 1950 à 1965, l’exposition « Frank Horvat. Paris, le monde, la mode » met en lumière ces deux facettes : le photographe de mode et le reporter.
Quelque 170 tirages et 70 documents originaux sélectionnés par Virginie Chardin à partir des archives du photographe, gérées par sa fille Fiammetta Horvat, sont présentés. La commissaire invite le visiteur à suivre la trajectoire du photoreporter depuis son premier voyage au Pakistan et en Inde (1952-1954), où déjà se révèle son intérêt pour les jeux de regards autant que sa fascination pour les femmes et leur rapport aux hommes, fil rouge de son œuvre.
UN « STYLE REPORTAGE »
Installé à Paris dès 1955, Frank Horvat tourne alors son objectif vers les femmes du bois de Boulogne, « capturées » dans une ambiance de film noir. Attentif à la composition, le photographe transforme un quatuor féminin posté autour d’un banc en véritable chorégraphie de regards. Plus tard, les strip-teaseuses du Sphinx, un cabaret de la place Pigalle, deviennent ses « complices » dans la construction d’une série majestueuse venant renverser les rôles pour placer les femmes en maîtresses du spectacle, face à des hommes saisis dans une sidération proche du désarroi.
Avec la série Paris au télé-objectif – autre chef-d’œuvre des années 1950 –, Frank Horvat explore le potentiel graphique de la capitale, créant des images à la limite de l’abstraction. Captivé par ces clichés, le photographe et artiste William Klein présente Frank Horvat à Jacques Moutin, directeur artistique du magazine féminin Jardin des Modes. S’ouvrent dès lors – à partir de 1957 – les portes d’un monde auquel Frank Horvat n’adhérera jamais vraiment, mais dont il redessine les codes par son « style reportage ». Devant son objectif, les mannequins posent avec élégance mais au naturel et brillent par la liberté avec laquelle elles évoluent dans la ville. -Son succès le mène au mensuel américain Harper’sBazaar, une véritable consécration pour tout photographe de mode.
En 1962, désireux d’échapper à ce milieu, Frank Horvat accepte un reportage à travers le monde pour un magazine allemand. Les retombées ne répondant pas à ses espérances, le photographe s’engage alors vers une voie plus personnelle.
Méconnues, les images très intuitives de cette période, empreintes d’une certaine mélancolie, forment un portrait en creux de Frank Horvat; une poétique conclusion à ce riche premier chapitre d’une longue carrière.
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« Frank Horvat. Paris, le monde, la mode », 16 juin - 17 septembre 2023, Jeu de Paume, 1, place de la Concorde, jardin des Tuileries, 75001 Paris.