Sous la forme d’une anthologie très documentée publiée aux éditions Hazan, L’Art des États-Unis 1750-2000 propose une plongée dans une histoire artistique courte mais dense. Destiné aux étudiants et aux chercheurs comme aux amateurs d’art, l’ouvrage, à l’initiative de la Terra Foundation for American Art, restitue et analyse sous la plume de deux spécialistes, John Davis et Michael Leja, la pluralité des discours produits depuis plus de 250 ans sur l’art étatsunien.
La somme est structurée en dix chapitres chronologiques, du « Développement du mécénat et des institutions 1750-1830 » aux « Guerres culturelles et postmodernisme 1980-2000 ».
UN OUVRAGE DIDACTIQUE
Chacun des chapitres se compose d’un essai introductif illustré qui renseigne le lecteur sur le contexte politique, social, institutionnel et culturel de la période. Cet essai est suivi d’une sélection d’œuvres emblématiques commentées – des portraits d’Autochtones par George Catlin aux performances d’Adrian Piper sur l’« Être mythique » – et, surtout, d’un choix de textes historiques signés pour beaucoup par des artistes (Mary Cassatt, Edward Hopper ou Allan Kaprow), mais aussi par des écrivains (Walt Whitman), des journalistes ou des chercheurs (Meyer Schapiro), et dotés d’un appareil critique éclairant.
Cette approche didactique a été imaginée pour un public non anglophone, moins familier du contexte américain, notamment de la période antérieure à l’élan moderniste engagé au cours des années 1910-1920 par le photographe et marchand Alfred Stieglitz et son cercle (Marsden Hartley, John Marin, Georgia O’Keeffe, etc.). Parallèlement à l’expansionnisme économique que l’on sait, les acteurs de la scène américaine demeurent longtemps soucieux de la création d’un art national (Benjamin West, Thomas Moran, Thomas Hart Benton, Jackson Pollock, etc.) – dont, bien entendu, la définition varie au fil du temps. Mais la diversité du pays et des voix qui s’expriment, notent les auteurs, font de cette scène un perpétuel « champ de bataille ».
En outre, l’histoire de l’art américain se confronte aussi, depuis ses débuts, à la mythologie impérialiste qui entoure la fondation du pays et qui innerve son récit. Ce « champ de bataille » se trouve réinvesti à partir des années 1980 par une lecture de plus en plus distanciée du mythe, proposée entre autres par des artistes féministes, queers, latino- ou africains-américains, comme en témoignent les textes de Coco Fusco, Robert Gober et Kara Walker.
La multitude des pistes de réflexion offertes par L’Art des États-Unis 1750-2000 et la richesse des points de vue insufflent un dynamisme singulier au livre, bien davantage qu’un simple manuel.
John Davis et Michael Leja, L’Art des États- Unis 1750-2000. Textes et documents, Paris, Hazan, 2023, 544 pages, 45 euros.