Après qu’une enquête du Financial Times a fait état d’allégations de harcèlement sexuel à l’encontre de David Adjaye, plusieurs musées et acteurs culturels ont mis fin à leurs partenariats avec l’architecte de renommée internationale.
Le Studio Museum à Harlem (États-Unis), qui avait choisi le cabinet Adjaye Associates pour concevoir son nouveau bâtiment, a mis un terme à leur collaboration. L’édifice devait être livré l’année prochaine. Le deCordova Sculpture Park and Museum de Lincoln, dans le Massachusetts, a suspendu son projet d’exposition des œuvres sculpturales d’Adjaye. Un promoteur immobilier de Chicago va poursuivre un important projet de réaménagement sans l’architecte, tandis qu’une bibliothèque publique de l’Oregon a décidé de se passer des services de David Adjaye pour son projet architectural.
Les institutions ont commencé à prendre leurs distances avec l’architecte britannique d’origine ghanéenne quelques jours après la publication d’une enquête du Financial Times, qui fait état d’accusations de harcèlement sexuel, d’exploitation et d’abus de pouvoir de la part de trois femmes dont les noms n’ont pas été révélés. Ces personnes, qui sont toutes noires et mères célibataires, étaient auparavant employées par Adjaye Associates. David Adjaye a nié ces accusations, déclarant dans un communiqué publié par une agence de communication et de gestion de crise : « Ces allégations sont fausses, pénibles pour moi et ma famille et vont à l’encontre de tout ce que je défends. »
Le 4 juillet, la bibliothèque du comté de Multnomah, dans l’Oregon, a annoncé que David Adjaye n’était plus partie prenante dans la construction d’un nouveau bâtiment, a rapporté l’hebdomadaire Oregonian, et que l’architecte principal, Holst Architecture, continuerait seul à diriger le projet. Le même jour, David Adjaye a démissionné de son poste de conseiller en design auprès du maire de Londres, et le gouvernement britannique a confirmé qu’il s’était retiré du projet de Mémorial national de l’Holocauste à Londres.
« Bien que je continue à rejeter fermement les très graves allégations portées contre moi, il est important qu’elles ne portent pas préjudice aux organisations dans lesquelles je joue un rôle personnel, a déclaré David Adjaye au Financial Times par l’intermédiaire d’un porte-parole. Afin de me concentrer sur le rétablissement de la confiance et de la responsabilité, j’ai accepté de me retirer de ces fonctions personnelles avec effet immédiat. »
Le 7 juillet, le quotidien économique et financier britannique a rapporté que l’architecte avait remis au gouvernement ghanéen les noms des trois anciennes employées ainsi que des documents juridiques confidentiels. Cette décision, que ce dernier reconnaît avoir été « peu judicieuse », a été condamnée par le groupe de défense représentant les femmes, qui y voit une forme de représailles.
David Adjaye s’est également retiré de ce qui était son premier projet à Chicago, un réaménagement majeur dans le quartier d’Old Town. Un porte-parole du promoteur, Fern Hill, a déclaré au Chicago Sun-Times le 5 juillet : « Nous avons discuté avec Adjaye Associates et sommes au courant de ces très sérieuses allégations. À ce stade, Sir David se retirera du projet et nous continuerons à avancer dans le meilleur intérêt des acteurs locaux et de nos partenaires dans le cadre de cette opportunité de transformation pour la ville de Chicago. »
Le 6 juillet, le Studio Museum à Harlem a annoncé qu’il rompait ses liens avec Adjaye, selon le New York Times. Raymond J. McGuire, président de son conseil d’administration de l’institution, a qualifié les actes présumés de « contraires aux principes fondateurs et aux valeurs du Studio Museum ». Le musée a depuis supprimé toute mention d’Adjaye de la page détaillant sur son site Internet le projet de construction, dont l’achèvement est prévu en 2024.
Le musée d’art de l’université de Princeton, qui avait engagé Adjaye Associates pour concevoir son nouveau bâtiment, a également pris position contre ces allégations. « Nous estimons la teneur des accusations extrêmement troublante, a déclaré James Steward, directeur du musée, au New York Times. Il est correct de dire que la majeure partie de notre travail avec Adjaye est derrière nous. Mais, nous avons l’obligation envers toutes les personnes impliquées dans ce projet de le mener à bien ». Le site Internet du musée continue de mentionner Adjaye et son cabinet comme concepteurs du projet, en collaboration avec les architectes exécutifs Cooper Robertson.
Par ailleurs, l’exposition d’une grande sculpture en terre d’Adjaye, Asaase (2021), prévue au deCordova Sculpture Park and Museum, a été mise « en suspens pour une durée indéterminée », a rapporté Artnews. Une œuvre de la même série, Asaase III (2023), doit être dévoilée la semaine prochaine au Griot Museum of Black History à Saint Louis, dans le Missouri, dans le cadre de la Triennale de la ville, « Counterpublic ». Les organisateurs étudient les moyens de « dialoguer avec [leur] communauté », selon une déclaration publiée en réponse aux accusations visant l’architecte. « Nous avons pris connaissance des allégations à l’encontre de David Adjaye par le biais d’informations publiques et nous les prenons au sérieux », ont-ils poursuivi.
David Adjaye n’est pas le premier architecte de premier plan à faire face à des allégations de harcèlement sexuel. En 2018, le New York Times avait publié les récits de cinq femmes qui ont accusé l’architecte Richard Meier de s’être exhibé devant elles et de les avoir touchées de force, entre autres incidents troublants. Meier a pris sa retraite en 2021.