Silvio Berlusconi, l’ancien crooner de bateau de croisière devenu trois fois Premier ministre italien, décédé en juin à l’âge de 86 ans, était célèbre dans le monde entier pour ses gaffes diplomatiques, ses soirées « bunga bunga » et ses nombreux procès pour détournement de fonds, extorsion, fraude fiscale, blanchiment d’argent, collusion avec la mafia et prostitution de mineure. Selon certains de ses intimes, il était également un collectionneur d’art passionné qui a acheté tellement de tableaux d’artistes tels que Titien, Parmigianino et De Chirico, qu’il a dû les stocker dans un entrepôt de 3 200 mètres carrés.
« Il était très passionné – passionné par la vie et passionné par l’art. Il aimait acheter des œuvres qui l’impressionnaient », se souvient Cesare Lampronti, un marchand d’art londonien souvent décrit comme le « galeriste de Berlusconi ». L’homme d’État achetait des œuvres lors de ventes aux enchères ou en live pour le plaisir et pour « échapper » au stress de la politique et des affaires, ajoute-t-il.
Si Berlusconi était un collectionneur « autonome » et « instinctif », il demandait régulièrement conseil à des experts comme Cesare Lampronti et Vittorio Sgarbi, critique d’art et ancien député du parti de droite de Berlusconi, Forza Italia, explique le marchand. Les goûts de l’ancien Premier ministre s’étendaient de la Renaissance au XXe siècle. Il pouvait dépenser des milliers voire des millions d’euros pour une seule œuvre. Il en offrait certaines à « des amis et des connaissances », selon le galeriste.
Bon nombre des pièces les plus précieuses de Silvio Berlusconi étaient exposées dans la somptueuse Villa San Martino, datant du XVIIIe siècle, située à Arcore, près de Monza, base arrière de l’homme politique, où il avait demandé au sculpteur toscan Pietro Cascella de construire un mausolée quasi futuriste en marbre. Parmi les œuvres conservées dans la villa figuraient une copie de l’Antea de Parmigianino (1524-1527), un portrait de l’actrice d’après-guerre Anna Fallarino par l’artiste milanais Pietro Annigoni et une œuvre anonyme qui ressemble à une Joconde avec les seins dénudés, a déclaré Vittorio Sgarbi, actuel sous-secrétaire d’État au ministère italien de la Culture, à l’agence de presse Adnkronos en 2020.
Ce dernier a ajouté que l’une des œuvres les plus précieuses de la villa était le Portrait du cardinal Ippolito de' Medici (1533) par Titien. Estimé entre 4 et 5 millions d’euros, le tableau était auparavant exposé au Cleveland Museum of Art. Cesare Lampronti confirme que l’œuvre fait bien partie de la collection Berlusconi.
Selon une porte-parole d’Immobiliare Idra, la société qui gère les propriétés de Silvio Berlusconi, il Cavaliere conservait de nombreux autres tableaux dans un entrepôt situé près d’Arcore, qu’il avait acquis en 2020. Une part importante des œuvres stockées dans cet storage étaient auparavant exposées dans la Villa Gernetto, une autre résidence de Silvio Berlusconi près d’Arcore, ajoute la porte-parole. L’entrepôt abritait 24 000 œuvres au moment de la mort de Berlusconi, a déclaré Vittorio Sgarbi au site Askanews en juin.
L’homme politique avait acheté « quantité d’œuvres de moindre valeur » au cours des deux dernières années de sa vie, bien que la taille de sa collection ait été exagérée, affirme Cesare Lamprotti. La porte-parole d’Immobiliare Idra estime que bon nombre des pièces stockées n’avaient qu’une faible valeur. « Nous ne parlons pas de tableaux de Canaletto », précise-t-elle.
De son vivant, Silvio Berlusconi avait prévu d’exposer certaines de ses plus belles acquisitions, dont des pièces de Lucio Fontana et de Giorgio De Chirico, dans un musée spécialement construit dans le parc de sa résidence de San Martino, selon Rosalba Colombo, maire de gauche d’Arcore de 2011 à 2021. Silvio Berlusconi l’a rencontrée pour lui présenter les plans du géomètre Francesco Magnano en vue de l’édification d’une galerie privée « semi-circulaire » qui aurait été ouverte au public certains jours. Il a abandonné le projet un an plus tard en raison d’obstacles administratifs, selon la maire.
Vittorio Sgarbi a renouvelé des appels à la création du musée après la mort de Silvio Berlusconi. « J’introduirais un droit d’entrée de 25 euros », a-t-il déclaré au site d’information sur le patrimoine AgCult. Toutefois, c’est la famille de Silvio Berlusconi, et non le ministère de la Culture, qui décidera en dernier ressort de la réalisation ou non de ce projet, a-t-il précisé. Bien que les dispositions du testament de Silvio Berlusconi n’aient pas encore été révélées, les commentateurs prédisent que Marta Fascina, sa dernière compagne, devrait hériter de la villa.