Les États-Unis devraient réintégrer l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco) en juillet 2023, près de six ans après que le président Donald Trump avait acté le retrait du pays de l’agence responsable de la protection des sites patrimoniaux à travers le monde.
Audrey Azoulay, directrice générale de l’Unesco, a annoncé la nouvelle aux représentants des 193 États membres de l’organisation réunis hier, le 12 juin 2023. Son discours a été largement applaudi. Les États-Unis reviendront « sur la base d’un plan de financement concret », a-t-elle déclaré, qui sera soumis à l’approbation de la Conférence générale des États membres de l’Unesco. Le retour des États-Unis dépendra donc d’un vote prévu le mois prochain.
L’Unesco, dont le siège se trouve à Paris, est l’organisation gouvernementale responsable d’un grand nombre d’initiatives culturelles internationales et multilatérales. Parmi celles-ci, l’Unesco supervise le Comité du patrimoine mondial, chargé de mettre en œuvre la Convention du patrimoine mondial et de protéger les 1 157 zones bénéficiant du statut de sites du patrimoine mondial. L’Unesco entretient également des relations formelles avec le Conseil international des musées (Icom).
Richard Verma, secrétaire d’État adjoint américain à la gestion et aux ressources, a remis la semaine dernière à Audrey Azoulay une lettre formalisant le projet de réintégration du gouvernement américain. Cette lettre salue la manière dont l’Unesco a « modernisé sa gestion et réduit les tensions politiques », a déclaré un porte-parole de la directrice générale dans un communiqué.
Ce réengagement au sein de l’Unesco est un objectif de longue date de l’administration du président Biden, qui cherche à renouer des alliances avec des organisations internationales. Les États-Unis ont fait part de leur intention de se retirer de l’Unesco en 2017, principalement en raison des tensions politiques liées au conflit actuel entre Israël et la Palestine. Mais après son arrivée au pouvoir en janvier 2021, l’administration Biden s’est inquiétée du fait qu’en l’absence des États-Unis, le gouvernement chinois exerçait une influence indue et croissante sur l’agenda politique de l’Unesco.
Après le retrait des États-Unis, la Chine a augmenté ses contributions à l’Unesco pour atteindre environ 65 millions de dollars par an, devenant ainsi le plus grand contributeur au budget annuel de l’agence. En mars 2018, l’Unesco a nommé Xing Qu, un diplomate chinois, au poste de directeur général adjoint. Depuis lors, 56 sites du patrimoine chinois ont été protégés par le Comité du patrimoine mondial, faisant de la Chine la deuxième nation la plus protégée au monde, après l’Italie. La Chine a également toujours bloqué les tentatives de Taïwan de devenir membre de l’Unesco.
La réintégration de l’Unesco sera considérée par Joe Biden comme une victoire politique et diplomatique obtenue de haute lutte. En décembre 2022, son administration a réussi à faire adopter un projet de loi de dépenses fédérales de 1,7 milliard de dollars au Congrès américain, avec un soutien bipartisan. Le projet de loi comprenait une clause qui stipulait explicitement que le gouvernement américain chercherait à se réengager auprès de l’Unesco afin de « contrer l’influence chinoise ».
Le projet de loi prévoit une somme de plus de 600 millions de dollars que les États-Unis verseront à l’Unesco sous forme d’arriérés. Le pays avait suspendu son financement à l’organisation des Nations unies au cours des années qui ont précédé son retrait total en 2017. Le remboursement intégral de ces arriérés de cotisations permet désormais aux États-Unis de redevenir membre à part entière sans délai.
Cette nouvelle sera une aubaine financière pour l’Unesco, dont le budget de fonctionnement annuel s’élève à 534 millions de dollars. Avant leur retrait, les États-Unis contribuaient à hauteur d’environ 80 millions de dollars par an.
Les relations du gouvernement américain avec l’Unesco se sont tendues en octobre 2011, lorsque les membres de l’agence ont voté l’admission de la Palestine en tant que membre à part entière. La Palestine est un État observateur non-membre des Nations unies, mais n’est pas officiellement reconnue par un certain nombre de grands pays du monde, dont les États-Unis.
L’administration du président Obama était légalement tenue de suspendre son financement à l’organisation des Nations unies à la suite de ce vote, en vertu d’une loi adoptée par le Congrès américain en 1990. Elle a également commencé à refuser de prendre part aux votes au sein de l’organisation en 2013, arguant que la reconnaissance de l’État de Palestine par l’Unesco dérogeait à l’obligation de neutralité de l’ONU dans tous les conflits mondiaux.
En revanche, l’ONU a refusé de dénoncer nommément la Russie pour son rôle dans la guerre en Ukraine, bien que l’organisation ait publié une liste exhaustive des sites culturels endommagés par la guerre.
En octobre 2017, l’administration Trump a franchi une étape supplémentaire en annonçant sa décision de quitter totalement l’Unesco, avant de le faire officiellement en janvier 2019. Israël a également quitté l’organisation au même moment. Le président Trump a dénoncé une « atmosphère anti-israélienne » au sein de l’Unesco, arguant qu’en se politisant, l’organisation s’était considérablement écartée de sa mission principale de promotion de l’éducation, de la culture et de la recherche scientifique. Des négociations ont eu lieu depuis avec le gouvernement israélien qui, en février 2022, a déclaré qu’il ne s’opposerait pas à un retour des États-Unis au sein de l’Unesco.
Dans l’édition internationale de The Art Newspaper datée de décembre 2022, Anna Somers Cocks avait analysé la façon dont les activités politiques au sein de l’Unesco menaçaient certains sites patrimoniaux. « L’Unesco s’est éloigné des principes qui sous-tendent la Convention du patrimoine mondial de 1972, à savoir la protection des sites [patrimoniaux] en tant que bien commun, écrivait-elle. Les États membres ont progressivement transformé ce qui était une approche technique et professionnelle en une approche politique, avec des alliances et des accords secrets pour faire accepter des sites sur la liste du patrimoine mondial et pour éviter les sanctions lorsqu’un site est mal géré. »
L’administration Trump a également fait valoir que les États-Unis supportaient un fardeau disproportionné en termes de financement de l’Unesco, appelant à une plus grande responsabilité financière et à une plus grande transparence. « Les réformes administratives, déployées depuis 2018, ont rendu l’Unesco plus efficace et financièrement saine », a répondu le porte-parole d’Audrey Azoulay. Élue à la tête de l’Unesco en novembre 2017, sa directrice générale a depuis mené des négociations de médiation avec le gouvernement américain « qui ont permis de réduire les tensions politiques et de trouver un consensus sur les sujets les plus sensibles, comme le Moyen-Orient », a fait valoir le porte-parole.