À Lisbonne, ARCOlisboa se renouvelle. Pour sa 6e édition, la foire initiée en 2016 par l’ancien directeur d’ARCOmadrid, Carlos Urroz, réunit dans le bâtiment tout en longueur de la Cordoaria nacional, une ancienne fabrique de cordes pour la marine portugaise, 85 exposants, contre 61 en 2022. Les 27 nouveaux participants ont des origines très diversifiées, de Carlier | Gebauer (Berlin), Document (Chicago), Mayoral (Barcelone, Paris), à l’Atelier 21 Art Gallery (Casablanca) ou W-Galleria (Buenos Aires). Le salon représente largement la scène portugaise, mais aussi hispanique avec la présence de nombreuses galeries espagnoles de premier plan comme Helga de Alvear, Juana de Aizpuru ou Elvira Gonzales, qui tissent des liens avec les collectionneurs portugais notamment… Mais l’événement regarde aussi plus loin, vers les anciennes conquêtes du Portugal en Amérique latine ou en Afrique. Ces allers-retours dans les deux sens donnent à la foire des airs métissés.
Un aspect saute aux yeux du visiteur : la forte présence de l’art conceptuel ou minimal, bien plus visible que sur la plupart des foires, où la peinture domine ces dernières années. Pour voir de la peinture, il faut notamment aller aux deux extrémités de la foire, avec le travail des artistes subsahariens ou caribéens de la 193 Gallery, de Paris, qui note un démarrage prometteur. Ou chez Mayoral (Barcelone, Paris), qui expose pour sa première participation plusieurs gouaches de Miró ainsi que deux sculptures sur pierre de Chillida, dont une à 290 000 euros. Plus loin, la galerie CarrerasMugica (Bilbao) présente pour 265 000 euros une pierre gravée par Chillida, mais aussi, plus conceptuels, deux grands barils en plastique de June Crespo. Il s’agit là des prix les plus élevés de la foire, où la plupart des œuvres sont affichées à moins de 50 000 euros, voire moins de 10 000 euros. Par ailleurs, en peinture, Perve (Lisbonne), nouvel exposant, remet en lumière le corpus des œuvres (autour de 15 000 euros pour les toiles) de Teresa Roza d’Oliveira, disparue en 2019 et qui a longtemps vécu au Mozambique avant de s’installer au Portugal, où sa carrière a connu un coup de frein.
Sur le stand de Quadrado Azul (Porto et Lisbonne), trois projecteurs présentent alternativement des photos prises dans des cafés de Porto par l’artiste Renato Ferrão. L’ensemble de six pièces est proposé pour 15 000 euros. Quant à la galerie RocioSantaCruz de Barcelone, elle présente, dialoguant avec des pièces de Diogo Pimentão, une étagère ployant sous le poids de pavés en pierre mal dégrossis, œuvre de Blanca Casas Brullet. Une « petite barricade de pavés, autres noms des livres : l’art et les bibliothèques sont un mode de résistance », confie l’artiste. Comptez 4 000 euros pour cette pièce. « Les Espagnols aiment venir à cette foire, plus agréable à explorer qu’ARCOmadrid bien plus énorme. Ici, le rythme est différent, plus détendu », explique la directrice de la galerie. Filomena Soares, une enseigne phare de Lisbonne, propose un hommage à Eileen Gray par Fernanda Fragateiro, une photo de la créatrice en partie cachée par un miroir. La galerie Vera Cortès (Lisbonne) a reçu le tout premier prix du stand mécéné par la Fundacao Millennium BCP en mettant entre autres à l’honneur les sculptures d’António Bolota semblables à des contreforts posés contre la cloison. Les transactions ont démarré doucement, y compris durant le cocktail du vernissage, jeudi, mais aussi le lendemain.
« Nous exposons notamment des pièces de José Pedro Croft, artiste qui a beaucoup de succès. Nombre de nos collectionneurs portugais ne vont pas à Madrid, c’est important pour nous d’être là. De plus, le temps en mai à Lisbonne est souvent beau ! », explique la directrice de la galerie madrilène Helga de Alvear, qui note avoir vu des Américains, « plus qu’à Madrid ». « J’aime beaucoup le format et l’atmosphère de cette foire, le temps d’échange avec les galeristes, confie le curateur Grégory Lang, qui connaît bien la scène portugaise. J’y ai trouvé cette année de bonnes œuvres, plutôt conceptuelles et précises, avec la possibilité de découvertes. Dans la section Découvertes [Opening], le visiteur est invité à s’engager sur les stands en raison de la configuration, contrairement à une foire comme LISTE [à Bâle] par exemple ». Et d’ajouter : « j’ai vu moins de visiteurs français et belges que d’habitude, mais croisé plus de Français expatriés de Londres ou de Lisbonne, des Espagnols, des Scandinaves, des Canadiens, des Américains, et même des visiteurs de Dubaï ! ».
ARCOlisboa, jusqu'au 28 mai 2023, Cordoaria nacional, av. da India, Lisbonne, Portugal.