« Nous marchons au sein d’une exposition ambulante », a fait remarquer l’artiste britannique Hamish Fulton lors du vernissage de son exposition au FRAC Sud, à Marseille. Intitulée « Hamish Fulton : A Walking Artist », l’exposition réunit un large éventail d’œuvres produites au cours de cinq décennies à travers le monde. Toutes ont été réalisées en écho à l’expérience de la marche dans la nature.
Chaque photographie, peinture ou œuvre murale est accompagnée d’un bref « texte de promenade » explicatif. De grandes peintures murales couvrent un mur de l’exposition. Sur la cimaise opposée sont présentées plus de 30 œuvres plus petites, telles que des photographies en noir et blanc et des dot paintings sur lesquelles chaque point représente un pas d’une marche pieds nus.
Le fait marquant de l’exposition a résulté de l’invitation de Muriel Enjalran, commissaire de l’exposition et directrice du FRAC Sud, à l’artiste à entreprendre une marche de vingt jours dans le parc national du Mercantour, dans les Alpes-Maritimes, en juin 2022. Elle s’est terminée au solstice d’été. L’artiste avait effectué la même marche en 2011, soutenue par la Galerie Torri à Paris. Il était alors impatient de voir comment le parc et les conditions météorologiques avaient changé en un peu plus de dix ans.
Les œuvres qui en résultent comprennent des photographies en couleur d’un rocher, d’un lac et de montagnes, ainsi qu’une peinture murale bleue : A 21 Day Walk 15 Nights Camping Mercantour Alpes-Maritimes France 1-21 June 2011. Towards the Summer Solstice. A 21 Day Walk 21 Nights Camping Mercantour Alpes-Maritimes France 1-21 June 2022 (2022). La première marche est représentée par une ligne grise saccadée, la seconde par une ligne noire également irrégulière située en dessous. « Lors de la première randonnée, il y avait beaucoup plus de neige, mais en 2022, il n’y en avait plus à cause du changement climatique », remarque Hamish Fulton. Cependant, cette observation pertinente et le but de la marche ne sont pas mentionnés dans l’œuvre. Elle se concentre plutôt sur les réflexions liées à cette expérience.
L’exposition est centrée sur la manière dont Hamish Fulton exprime ou fait allusion à ses opinions écologiques et politiques. Les thèmes abordés vont de son profond respect de la nature au réchauffement climatique, en passant par les droits des peuples autochtones en Alaska et son opposition à l’invasion du Tibet par la Chine. En parallèle, l’exposition « Hamish Fulton. Tibetan Kora », consacrée aux œuvres résultant de ses trois marches au Tibet, en 2000, 2007 et 2011, se tient au Cairn Centre d’art à Digne-les-Bains (1er avril – 2 juillet 2023).
Né en 1946, Hamish Fulton a étudié au Royal College of Art, ainsi que dans d’autres écoles d’art londoniennes. Contemporain du land artiste Richard Long, il a pris la décision radicale de devenir un « artiste ambulant » au début des années 1970.
« J’ai été pris d’un sentiment de rébellion à l’égard de tous les types de création artistique lorsque j’étais étudiant et après avoir quitté l’école d’art », se souvient Hamish Fulton. Après avoir pris des photographies en noir et blanc de la campagne en 1969-1970, il a effectué sa première marche de la partie ouest à la côte est de l’Angleterre en 1971. « Marcher à travers le littoral de l’Angleterre semblait bien plus intéressant que de réaliser d’énormes sculptures en métal », explique-t-il.
Il a eu la conviction que la marche pouvait constituer la base de sa pratique après une deuxième randonnée du nord-est de l’Écosse au sud-ouest de l’Angleterre, en 1973. « À la fin de cette marche de 47 jours, j’étais aux anges, complètement fou à l’idée que j’allais devenir un artiste marcheur, se souvient-il. J’avais trouvé quelque chose en quoi je croyais totalement et que j’étais capable de faire sans tout le bagage de l’histoire de l’art ».
Au fil des décennies, Hamish Fulton a fixé des règles pour certaines promenades, comme marcher à reculons avec un groupe de participants. Il a également mené une action, Slowalk (In support of Ai Weiwei), à la Tate Modern à Londres en 2011, en soutien à l’artiste dissident chinois qui avait alors été détenu par les autorités de son pays.
Hamish Fulton prend souvent des photos lors de ses randonnées, mais si les images ne sont pas marquantes, il réfléchit à un autre moyen d’expression. « Il m’est arrivé d’emporter un appareil photo dans des paysages fantastiques, mais les photos étaient incroyablement ennuyeuses et je ne les ai donc pas utilisées », explique-t-il.
Parmi les autres œuvres exposées à Marseille figurent des sculptures murales rouges représentant un insecte (en référence à l’importance de ces animaux dans l’écosystème naturel) et le mont Everest au Népal. Certaines œuvres contiennent un statement, comme Disappearing Lake Alaska (1999), une photographie en couleur montrant la fonte des glaciers. D’autres sont plus énigmatiques. Par exemple, Walking Slowly on the Condor’s Outline : Nazca Desert Peru 1972 fait référence à la façon dont Hamish Fulton a marché lentement dans le désert de Nazca afin d’éviter de remuer la terre.
Muriel Enjalran entend surtout montrer en quoi l’œuvre de Hamish Fulton se différencie du land art. En effet, l’artiste a parfois été associé à tort au land art, à la photographie de paysage ou à l’art conceptuel.
« Ce qui est important dans son travail, c’est qu’il met en rapport toutes ces marches qui sont un prétexte à aborder de nombreux sujets sur lesquels il veut s’exprimer, explique Muriel Enjalran. Il ne transforme pas le paysage, il ne fait pas des cercles de pierres comme Richard Long. Il s’oppose à une vision romantique du paysage et tente de rendre le wildness d’une nature sauvage ».
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« Hamish Fulton : A Walking Artist », du 25 mars au 29 octobre 2023, Frac Sud - Cité de l’art contemporain, 20 boulevard de Dunkerque, 13002 Marseille
« Hamish Fulton. Tibetan Kora », 1er avril - 2 juillet 2023, CAIRN centre d’art, 10 montée Bernard Dellacasagrande, 04005 Digne-les-Bains