Philippe Sollers, né Joyaux, décédé le 5 mai 2023 à Paris, à l’âge de 86 ans, fait ses débuts en littérature sous les meilleurs auspices. Né le 28 novembre 1936 à Talence, en Gironde, près de Bordeaux, cet enfant prodige des lettres a pour mentor le poète Francis Ponge. Publié en 1958, son premier roman Une curieuse solitude est encensé par François Mauriac et Louis Aragon. En 1961, Le Parc obtient le prix Médicis.
Dans l’hommage que lui a rendu le 6 mai dans Le Monde Philippe Forest, dont il fut l’éditeur, ce dernier rappelle : « lorsqu’il fit, en 1960, la connaissance d’André Breton, celui-ci lui offrit un exemplaire de Manifestes du surréalisme qu’ornait la dédicace suivante : " À Philippe Sollers, aimé des fées " ».
Cofondateur, en 1960, de la revue d'avant-garde Tel Quel au Seuil, marxiste puis maoïste, il crée au début des années 1980 la revue L’Infini – et devient directeur de la collection éponyme aux éditions Gallimard. Marié depuis 1967 à la psychanalyste Julia Kristeva, avec qui il a eu un fils, David, le polémiste au fume-cigarette habitué des plateaux de télévision, admirateur de Mozart et Casanova – auxquels il a consacré des biographies – a relaté dans ses mémoires et en publiant leur correspondance la passion amoureuse vécue avec Dominique Rolin.
L’auteur prolifique de Femmes (son plus grand succès littéraire) a développé dans La Fête à Venise ses réflexions sur la peinture autour des figures d’Antoine Watteau, Andy Warhol, Claude Monet et Paul Cézanne. Il a signé plusieurs essais affirmant ses penchants esthétiques, en littérature comme dans le champ des arts visuels, de Théorie des exceptions à La Guerre du goût. Contributeur de la revue Art Press, il a consacré des monographies à des artistes tels que Jean-Honoré Fragonard, Pablo Picasso, Francis Bacon ou Willem De Kooning.
« L’homme épris de liberté et des beautés de ce monde, l’amoureux des beaux-arts, de la musique et des lettres célébrant le sacré d’ici-bas, l’infatigable animateur de la vie intellectuelle et littéraire qui créa et anima avec ses amis les revues Tel Quel (1960) et L’Infini (1983), l’auteur d’une œuvre romanesque novatrice et anticonformiste et d’essais critiques à la sensibilité universelle, l’ami furtif et attentif qui n’a jamais renoncé à dire que " le bonheur est possible ", a rejoint " la vérité du grand merveilleux silence " », lui a rendu hommage Gallimard.
« Grand agitateur de la vie des idées et des mots depuis les années 1950, Philippe Sollers a mis mille vies dans ses mots et vécu sa vie comme un vrai roman », a salué la ministre de la Culture Rima Abdul Malak dans un communiqué.