Après l’ouverture à Tanger d’un espace d’art contemporain au Musée la Kasbah des cultures méditerranéennes et la rénovation de la Villa Harris – Musée de Tanger, qui présente une collection privée retraçant l’histoire de la peinture au Maroc, c’est au tour de Rabat, de Marrakech et bientôt d’Agadir d’accueillir de nouvelles institutions muséales.
UNE NOUVELLE GÉNÉRATION D’ACTEURS
Ce début d’année 2023 est riche en festivités culturelles. À Rabat a été ouvert en janvier, au cœur de la kasbah des Oudayas, le premier musée public de la parure, qui expose à cette occasion – une fois n’est pas coutume – plus de 500 pièces issues de la collection personnelle du roi Mohammed VI, essentiellement des bijoux amazighs. Conçue au musée de l’Histoire et des Civilisations, à Rabat, l’exposition itinérante « Routes des empereurs romains à travers la Serbie, VIMINACIUM*1 » a ensuite reçu le public au Musée la Kasbah des cultures méditerranéennes jusqu’à la fin du mois de février.
Puis c’est à Marrakech qu’a été inauguré, le 23 février, le musée du Patrimoine immatériel dans l’écrin architectural de l’ancien siège de Bank Al-Maghrib, un édifice de style Art déco situé sur la mythique place
Jamaâ el-Fna. Dépourvue jusqu’à ce jour d’institution culturelle nationale, la ville d’Agadir a ouvert fin mars un musée d’art moderne et contemporain qui héberge le second versant de la collection particulière exposée à la Villa Harris.
« Nous avons révolutionné le paysage muséal au Maroc, peut s’enorgueillir Mehdi Qotbi, président de la Fondation nationale des musées (FNM). Notre volonté d’ouvrir un musée dans chaque grande ville et région du royaume permet à tous les Marocains de découvrir et de s’approprier ce patrimoine qui est le leur. Aujourd’hui, grâce à ce renouveau, le Maroc est entré de plain-pied dans le cercle mondial des musées et lieux de culture reconnus et labellisés. »
Cette politique volontariste s’accompagne de l’émergence dans le pays des métiers de conservateur, de commissaire d’exposition et de médiateur culturel, pour lesquels sont proposées des formations idoines, incluant souvent une session à l’étranger. L’offre publique en ce domaine reste cependant très réduite, le principal parcours proposé étant le master en muséologie et médiation culturelle créé au sein de la faculté des lettres et des sciences humaines de Rabat, fruit d’un partenariat entre la FNM et l’université Mohammed VI Polytechnique. « La FNM favorise une approche de formation continue orientée vers le développement des compétences et des connaissances en matière de conservation, de restauration, de gestion des collections et de médiation », précise Mehdi Qotbi, qui met en avant les nombreux « séminaires de formation organisés au Maroc et à l’étranger ».
La FNM doit en outre accompagner et soutenir une politique d’acquisition en plein essor. Jusqu’à présent, les différents accrochages de la collection permanente du musée Mohammed VI d’art moderne et contemporain (MMVI), à Rabat, montrent principalement des œuvres du ministère de la Culture et de la FNM, mais ne dédaignent pas de solliciter les collectionneurs privés. Comme l’explique le président de la FNM, « chaque musée possède une collection et, qui dit collection dit aussi acquisitions et enrichissement de celle-ci. La valorisation de l’espace muséal passe en partie par une politique d’acquisition définie, généralement axée sur les dons et/ou les achats. »
LA CULTURE POUR TOUS
La diversité culturelle que propose le Maroc depuis quelques années a de quoi donner le vertige. Le MMVI a ainsi consacré plusieurs expositions d’envergure à des artistes internationaux tels que César, Alberto Giacometti, Henri Cartier-Bresson ou Pablo Picasso, lesquelles ont été conçues en partenariat avec des fondations privées ou des musées (en particulier le musée national Picasso-Paris ou le musée d’Orsay, à Paris). Deux peintres historiques du XXe siècle, Ahmed Cherkaoui (1934-1967) et Jilali Gharbaoui (1929-1971), ont eu l’honneur d’une rétrospective au MMVI, où trois artistes vivants – Fouad Bellamine, Touhami Ennadre et Faouzi Laatiris – ont également bénéficié d’une exposition personnelle.
D’autres défis restent à relever, comme celui de la documentation – la seule librairie digne de ce nom au MMVI a fermé ses portes sans être remplacée – ou celui de l’accueil des jeunes publics qui représentent, selon Mehdi Qotbi, 65% des visiteurs. « Si les musées sont, à l’origine, des lieux de préservation et de conservation du patrimoine, ils doivent surtout être des lieux de transmission. C’est pourquoi la Fondation prévoit des activités pédagogiques destinées aux jeunes ainsi que des visites scolaires et universitaires basées sur l’interactivité avec nos médiateurs », conclut-il. L’avenir de la culture pour tous se jouera au musée !
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*1 Sous l’Empire romain, Viminacium était la capitale de la province de Haute-Mésie (actuelle Serbie).
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Fondation nationale des musées, 31, avenue Al Alaouiyine, quartier Hassan, 10020 Rabat, Maroc.