De nombreux accrochages des collections permanentes des musées ne laissent derrière eux que de discrètes traces dans les archives, tandis que d’autres constituent de véritables expositions, accompagnées de recherches et de publications. C’est précisément ce que propose le commissaire de l’exposition, Éric de Chassey (chroniqueur dans notre journal), au Centre Pompidou-Metz. Chiara Parisi, la directrice de cette institution, lui avait suggéré la notion d’obsession. Il lui a préféré celle de la répétition : « Je voulais aller contre l’idée que les artistes font une chose exceptionnelle une fois dans leur vie. » Cependant, la définition même de la répétition échappe et se complexifie au fil des salles, scandées de verbes très beckettiens : essayer, insister, multiplier, arpenter, fixer, persévérer… Il faut se laisser porter par le plaisir que procurent les résonances et les contrastes entre les œuvres.
REFRAIN ENDIABLÉ
Les grandes expositions sont l’occasion de découvertes. Celle-ci permet de voir sous un jour nouveau La Répétition de Marie Laurencin, œuvre jamais exposée au musée national d’Art moderne (Centre Pompidou,
Paris) depuis qu’elle a fait son entrée dans la collection en 1947. Peinte en 1936, peu avant l’Exposition internationale des arts et des techniques appliqués à la vie moderne dans laquelle était notamment présenté Guernica de Pablo Picasso, cette scène musicale révèle une audace inattendue par la réponse qu’elle propose des Demoiselles d’Avignon (1907) : c’est la même femme, peut-être l’artiste, qui apparaît à cinq reprises dans le tableau.
L’exposition « La Répétition » contribue par ailleurs à enrichir la collection du Centre Pompidou : Marie Cool et Fabio Balducci ont ainsi réalisé un film révélant les gestes ancestraux d’ouvriers dans une usine de vêtements, qui complète une œuvre acquise en 2007. On retrouve d’une certaine façon ces gestes du quotidien dans Les Pensionnaires (1971-1972) d’Annette Messager, des dépouilles d’oiseaux habillés comme des poupées, que l’on ne se lasse pas de revoir et de redécouvrir. Plus loin, Éric de Chassey donne de l’œuvre de Simon Hantaï une vision plus incarnée et sensuelle que celle offerte par la spectaculaire exposition que la Fondation Louis-Vuitton lui consacrait, à Paris, l’an dernier. Plusieurs des artistes présents à Metz sont trop rarement exposés, comme Jean Gorin ou Marthe Wery, dont est montrée une magistrale installation couleur sang. Et les échos se dessinent d’une œuvre à l’autre : la répétition comme un refrain endiablé, comme des plis méticuleux, comme les pas rapides d’acteurs pressés, comme les cascades d’un éclat de rire ou les circonvolutions de la pensée au travail… Un éloge des « petites différences ».
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« La Répétition. Œuvres phares du Centre Pompidou », 4 février 2023-27 janvier 2025, Centre Pompidou-Metz, 1, parvis des Droits-de-l’Homme,57020 Metz.