Lancé en 2022 à Naples, le Prix Carta Bianca a désigné ses lauréats pour sa deuxième édition. Le 21 avril, le jury, réuni cette fois à Paris, a voté pour Evi Keller, qui reçoit le Premier Prix. La plasticienne allemande recevra une dotation de 50 000 euros. Cette somme pourra être employée selon ses besoins : résidence, bourse de production, soutien à la vie quotidienne… « Grand Témoin » du Prix, le commissaire d’exposition et critique d’art Olivier Kaeppelin « déploiera tout au long de l’année une réflexion commune » avec elle, précisent les organisateurs.
Défendue par Chantal Colleu-Dumond, directrice du domaine de Chaumont-sur-Loire, Evi Keller est née en 1968 en Allemagne. Elle vit et travaille en France depuis plus de vingt ans. Outre l’histoire de l’art, elle s’est formée à la photographie et au graphisme à l’Académie de la Photographie de Munich, en Allemagne. Ses œuvres ont été exposées aussi bien à la galerie Jeanne Bucher Jaeger à Paris que dans des institutions comme la Maison européenne de la photographie (Paris), le domaine de Chaumont-sur-Loire, en France, et à l’étranger à la Centrale for Contemporary Art à Bruxelles, entre autres. Cette année, elle collabore avec la chorégraphe Blanca Li et la compagnie de William Christie, Les Arts Florissants, pour réaliser la scénographie de Didon et Enée, opéra de Purcell. Dans son travail, inlassablement intitulé Matière-Lumière, Chantal Colleu-Dumond voit « un retour à la source, un enracinement dans une existence universelle et cosmique, un élan vital, un principe d’espoir »…
L’espoir est bien le mantra de ce prix unique en son genre, qui veut relier artistes et patients sortant de graves maladies, créer des interactions bénéfiques au plus près de l’humain. Fondé par le cancérologue Éric Pujade-Lauraine et par son épouse Isabelle, haut fonctionnaire dans l’univers de la santé, coach spécialisée dans le retour à la vie professionnelle des personnes atteintes de cancer, il aide à bâtir des passerelles avec les patients, dans une grande liberté, à charge toutefois pour les artistes d’être prêts à s’engager. Pour plus de cohérence et mieux inscrire le Prix dans le temps, le jury n’a pas changé. Il est composé de ses fondateurs, Éric et Isabelle Pujade-Lauraine, des huit membres-experts, Kathy Alliou, Adélaïde Blanc, Gaël Charbau, Chantal Colleu-Dumond, Cristiana Perrella, Anissa Touati, Eugenio Viola et Kathryn Weir, et du grand témoin Olivier Kaeppelin. Autre spécificité de ce prix : les autres « nommés » sont d’office lauréats, et bénéficient d’une dotation de 4 000 euros destinée à soutenir leur démarche artistique.
Eugenio Viola, conservateur en chef du Mambo-Museo de arte moderno de Bogota en Colombie, a présenté le travail de Giulia Cenci. La curatrice Anissa Touati a défendu celui de Stéphanie Saadé. Adélaïde Blanc, curatrice au Palais de Tokyo, a soutenu quant à elle Sarah Tritz. Kathryn Weir, directrice artistique du Madre – Museo d’arte contemporanea Donna Regina à Naples, a présenté la carrière de Romina De Novellis. Gaël Charbau, celle de Marine Nouvel. Kathy Alliou, directrice du département des œuvres aux Beaux-Arts de Paris, a présenté le travail de Tiphaine Calmettes. Cristiana Perrella, commissaire indépendante, a défendu l’œuvre de Valerio Rocco Orlando. Chacun développe dans son travail une démarche faisant écho aux valeurs du Prix Carta Bianca, soutenu par un fonds de dotation créé spécialement.
Depuis le lancement du Prix au printemps 2022, plusieurs projets ont vu le jour sous la houlette des lauréats de l’an dernier, explique le couple de collectionneurs Éric et Isabelle Pujade-Lauraine. Premier Prix en 2022, Binta Diaw a développé des ateliers autour du corps et du cheveu avec des patientes, accompagnés d’un journal de bord. Marzia Migliora, elle, travaille sur une maquette itinérante d’un espace de vie permettant de rapprocher, au sein des hôpitaux, malades et familles, dans un cadre décoré par l’artiste en fonction des idées des patients. Ce beau projet pourrait, on l’espère, déboucher sur des réalisations concrètes, pourquoi pas avec le soutien de mécènes ? Benoît Piéron, lui, participe jusqu’au 14 mai 2023 à « Exposé-es » au Palais de Tokyo, exposition consacrée aux victimes de maladies et d’épidémies, et enregistre les sons d’un hôpital. Autant d’initiatives qui témoignent de la pertinence du prix… dont la remise aura lieu en octobre 2023 pendant la semaine parisienne de l’art.