La princesse texane a été expulsée de force de sa villa historique de Rome à la suite d’une décision de justice stipulant que tous les biens laissés sur place – incluant d’exceptionnelles peintures de l’époque baroque et des sculptures classiques – devaient être enlevés et détruits.
La Villa Ludovisi, datant du XVIe siècle et célèbre pour son plafond peint par le Caravage et ses fresques du Guerchin, est au cœur d’une âpre bataille juridique entre la princesse Rita Boncompagni Ludovisi, seconde épouse du défunt prince Nicolò, et les quatre enfants que ce dernier a eus de sa première épouse.
Pour tenter de résoudre le litige, les tribunaux italiens ont d’abord essayé de vendre la propriété aux enchères en janvier 2022, à une mise à prix de 471 millions d’euros, mais ils n’ont trouvé aucun enchérisseur. En janvier 2023, une juge de Rome a ordonné à la princesse de libérer la maison dans un délai de 60 jours, en précisant que tout le contenu restant serait « enlevé ou détruit ». Une descente de police à la villa le 20 avril a contraint la princesse à quitter la propriété.
Cette décision pourrait mettre en péril des dizaines d’œuvres d’art et des centaines de milliers de documents conservés dans la propriété, a expliqué à The Art Newspaper Corey Brennan, professeur de Lettres classiques à l’université Rutgers, située dans l’État du New Jersey aux États-Unis, qui a dirigé un projet de numérisation du patrimoine de la villa. « La villa est remplie d’objets précieux, explique-t-il. Rita a emporté certains de ses effets personnels, mais elle a laissé tout le reste. »
Une pièce de la villa est décorée de peintures attribuées à Scipione Pulzone (1540-1598), Le Dominiquin (1581-1641) et Ottavio Leoni (1578-1630), explique l’universitaire. Une demi-douzaine de reliefs datant de l’époque julio-claudienne, près d’une douzaine de portraits en buste et des dizaines de peintures à l’huile sont également exposés dans les lieux, ajoute-t-il. Des statues de prisonniers daces, qui ornaient autrefois le forum de Trajan, se trouvent aujourd’hui dans le jardin de la villa.
La propriété abrite également 150 000 pages d’archives remontant au XVe siècle. L’équipe de Corey Brennan a numérisé la plupart des documents datant d’avant 1955. En revanche, ce n’est pas encore le cas concernant la documentation plus récente, précise le professeur.
Bante Boncompagni Ludovisi, l’un des enfants du défunt prince Nicolò, a réaffirmé ses droits de propriété en multipliant les déclarations dans les médias. « La Villa Ludovisi doit d’abord être fermée et ensuite rénovée, a-t-il déclaré à Il Gazzettino. Elle doit donc être vidée. »
Il n’est pas certain que l’expulsion ait une influence sur la bataille qui se joue actuellement entre les propriétaires. « Quel est le projet pour la villa ? s’interroge Corey Brennan. Quelle est la vision des cohéritiers ? De nombreuses questions restent en suspens. »
La juge Miriam Iappelli a accusé la princesse, dans l’avis d’expulsion de janvier, d’avoir violé une précédente ordonnance lui interdisant d’organiser des visites guidées de la propriété. La magistrate a également estimé que la princesse n’avait pas entretenu correctement la propriété après l’effondrement d’un mur extérieur.
La princesse Rita, qui a vécu dans la villa pendant deux décennies, ainsi que son mari ont achevé la restauration de la propriété en 2010, pour un montant de 11 millions d’euros. Ces travaux ont conduit à la découverte des documents et à la création des archives numériques. La princesse a déclaré à Associated Press qu’elle avait pris soin de la villa.
Rita Boncompagni Ludovisi est née Rita Carpenter à San Antonio, au Texas. Elle a travaillé dans le milieu de la politique américaine, comme mannequin et actrice, et comme agent immobilier, avant d’épouser Nicolò en 2009. Elle a aussi été mariée à un sénateur américain et a fait la couverture de Playboy.
Un avocat de la princesse Ludovisi, qui a demandé à rester anonyme, a confirmé que son cabinet avait fait appel de l’expulsion devant les tribunaux italiens. Les avocats de la princesse pourraient introduire un autre recours auprès de la Cour européenne des droits de l’homme, a-t-il ajouté.