L’artiste suédoise Hilma af Klint (1862-1944) est l’incontestable tête d’affiche de l’exposition « Swedish Ecstasy », conçue sous la houlette de Daniel Birnbaum dans le cadre de la présidence suédoise du Conseil de l’Union européenne. Cette exposition sort des sentiers battus et du fourre-tout qui caractérise souvent ce type de manifestation pour se concentrer sur quatorze artistes uniquement, chacun disposant presque d’une salle. C’est le travail de Hilma af Klint, révélé plus de quarante ans après sa mort, qui est mis en exergue et ouvre l’exposition de façon magistrale. On découvrait alors une pionnière discrète de l’art abstrait – qui plus est avec de grands formats carrés, inédits à l’époque –, adepte du spiritisme et du dessin automatique, qui avait élaboré dans le plus grand secret une œuvre radicale et avant-gardiste majeure. Outre l’exposition de séries complètes de peintures, son fabuleux projet de « Temple utopique » fait ici l’objet d’une reconstitution en réalité virtuelle particulièrement convaincante. Parmi les autres artistes visionnaires suédois (ou vivant en Suède), retenons des ensembles importants d’œuvres d’August Strindberg, Anna Cassel, Christine Ödlund et Carsten Höller, dont la spectaculaire installation lumineuse Light Wall conclut le parcours.
Cette dernière permet en quelque sorte de faire le lien avec l’exposition de Michel François (né en 1956) qui se déploie dans les salles adjacentes. Reportée à plusieurs reprises pour des raisons diverses, celle-ci, opérant un retour sur quarante ans de création du sculpteur belge, se présente comme une « rétro-prospective » d’une œuvre en devenir et en constante mutation, selon un processus de recyclage permanent. La démarche de Michel François est animée de forces et de mouvements contradictoires, à l’image des titres de travail que l’artiste a donné aux différentes salles du parcours, qui s’avèrent être autant d’expériences in situ. Intitulée « Contre nature », l’exposition constitue essentiellement un Théâtre des opérations fait de Pièces à conviction et d’Angles morts qui meublent la Scène des abandons. À travers ses assemblages et ses sculptures, Michel François provoque « des tensions entre des choses d’apparence naturelle et des objets culturels », que ce soit un ballon de football ou un bloc de sel gemme amené à se dissoudre sous l’effet d’un goutte-à-goutte de vinaigre. Il s’agit pour lui de trouver un équilibre entre l’abandon du contrôle (sous-entendue l'idée de " talent " en art) et la mise en place d’un protocole visant à déléguer le travail au temps ou à la nature. Ainsi, par leur spontanéité et leur fulgurance, ses bronzes en fusion semblent former de fragiles mais lourdes dentelles (Instant Gratifications). L’artiste est aussi un adepte de la gestuelle lente, du rapport au corps, de la réflexion dans l’atelier, car, comme il le dit lui-même : « Rien n’échappe au temps et à l’espace, mais il faut leur donner une limpidité. »
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« Swedish Ecstasy », 17 février-21 mai 2023; « Michel François. Contre nature », 16 mars-21 juillet 2023, Palais des Beaux-Arts (Bozar),
23 rue Ravenstein, 1000 Bruxelles.