La peintre abstraite et poétesse Irma Blank est morte le 14 avril 2023, à l’âge de 88 ans. Née en 1934 à Celle, dans le nord de l'Allemagne, elle s’installe en 1955 en Sicile, où elle gagne sa vie comme professeure d’art plastique de lycée, en parallèle de sa pratique d’artiste la nuit. « Je suis devenue très consciente du son, de ma respiration, du grattement de la plume sur le papier, a-t-elle déclaré à Frieze en 2019. Plus je plongeais dans le silence, plus la conscience de mon souffle s'accentuait : ma table à dessin devenait une caisse de résonance, comme un tambour. »
Sa première série Eigenschriften est tirée de cette expérience : une suite de dessins au pastel de symboles sur papier, entre abstraction et journal intime. En 1973, elle s'installe à Milan. Sa série Trascrizioni traduit sa rencontre avec la poésie concrète, qui ouvre dès lors une nouvelle voie dans son travail avec l’utilisation de textes tirés de journaux ou poèmes. Lors de performances physiquement éprouvantes, elle lit à haute voix le texte, bouche fermée, enregistrant le son ainsi produit, partie intégrante du processus de création. « Je fais glisser le texte de la littérature aux arts visuels », dira-t-elle.
Fidèle à cette volonté d’inscrire la création visuelle dans une expérience physique, elle réalise dans les années 1980, avec la série Radical Writings, des peintures basées sur le rythme de sa respiration. Au début des années 1990, son intérêt se porte sur le langage numérique. Sa série Hyper-Text superpose des mots dans différentes langues. Son exploration des potentiels graphiques du texte se poursuit avec Avant-testo, série réalisée au stylo Bic, à deux mains, dans de grands mouvements circulaires. Au début des années 2000, elle crée avec Global Writings un alphabet composé de huit consonnes. « L'écriture est mon outil pour comprendre le monde », résume-t-elle. Diminuée par un problème de santé survenu en 2016, Irma Blank a été, par la suite, contrainte de travailler principalement avec sa main gauche. Ainsi de l’une de ses ultimes séries, Gehen-Second Life.
L’artiste a participé à la Documenta 6 en 1977, puis à la Biennale de Venise l’année suivante. Un temps oubliée, son œuvre a connu un regain d’intérêt ces dernières années. Irma Blank a été invitée à exposer à la 57e Biennale de Venise en 2017, « Viva Arte Viva », par la commissaire Christine Macel. Elle a ensuite bénéficié d’expositions monographiques dans des galeries, ainsi que d'une rétrospective « Blank », déployée entre 2019 et 2022 dans sept institutions internationales, du MAMCO de Genève au CAPC – Musée d'Art contemporain de Bordeaux.
Ses œuvres sont notamment présentes dans les collections du musée national d’Art moderne – Centre Georges Pompidou à Paris, du Kunstmuseum de Düsseldorf, de la Galleria Civica d’Arte Moderna e Contemporanea (GAM) à Turin ou encore de l’Archivio della Poesia del Novecento à Mantoue.