Nathan Carter : Faction de Femmes, Lady Lieutenants and the Triangular Trixic Cryptical Curvy Constellation
Nathan Carter est connu pour ses peintures et ses sculptures en fil métalliques qui mêlent motifs floraux, parties d’anatomies féminines stylisées et croissants de lune qui s’unissent en amples arabesques. C’est l’esprit de Calder et de Miró porté par une fantaisie queer, dans des teintes délicates pour ce qui est des tableaux, et un aspect breloque pour les sculptures. L’accessoire, le fragment fixent désir et souvenir dans un jeu délicat avec l’abstraction moderniste. Les titres sont longs, délirants et racontent chacun une histoire. Pour cette nouvelle exposition, Nathan Carter a choisi de donner une place centrale à un récent travail collaboratif. Avec Dan Estabrook, il a donné naissance à MARS The Goddess of Sex and Death. Mercedes Jelinek les a rejoints pour composer et mettre en scène cette série de photos. Coiffée d’une épaisse perruque noire, vêtue de robes et de lingerie noires (avec parfois un détour vers le blanc), d’un maquillage un peu gothique, et de faux ongles en papier argenté, Nathan est Mars. Elle pose devant de grandes feuilles de papier ou des draps, avec des accessoires qui évoquent plus l’atelier d’artiste que le studio photo. Ces images en noir et blanc (parfois rehaussées de traits de couleur peints) rendent hommage aux photos de mode des années 1950, à un certain surréalisme, avec un excès tendrement parodique. Dans le boudoir de Mars, reconstitué pour l’occasion, le guéridon en carton côtoie les objets trouvés et sur la grande photo qui sert de fond de décor, un croissant de lune pleure des larmes roses. C’est l’affirmation d’une identité à travers un jeu de miroirs entre représentations, styles disparus, et rêves de papier.
Du 8 avril au 20 mai 2023, Esther Schipper, 16 place Vendôme, 75001 Paris
Parallèlement, Three Star Books Paris présente un nouveau livre d’artiste de Nathan Carter et Dan Estabrook, ainsi qu’une exposition de photographies et de collages par Nathan Carter, Dan Estabrook et Mercedes Jelinek.
Donna Gottschalk : Ce qui fait une vie
« Dykes for an american revolution » (Les gouines pour une révolution américaine) : c’est par cette photo d’un tag géant tracé sur un côté du mémorial à John Paul Jones (héros de la Révolution américaine) à Washington que s’ouvre l’exposition à la galerie Marcelle Alix. Nous sommes en 1971, et l’on mesure toute la force de l’outrage et l’ardeur du désir. Les photographies de Donna Gottschalk, pour la plupart de sa décennie 1970, ont été révélées en 2018 par une exposition au Leslie-Lohman Museum of Gay and Lesbian Art, à New York. Par ces photographies des années de jeunesse et de révolte, elle a voulu raconter son histoire et célébrer quelques personnes. Autoportraits, portraits d’amies, d’amantes, de sœurs, et particulièrement de Myla (vue à différents âges jusqu’à sa transition), et quelques photos qui inscrivent ces portraits dans l’histoire collective. Le choix et l’enchaînement des photos offrent une véritable narration, avec ce que l’on comprend et ce que l’on devine.
Ces photos prises à la lumière naturelle rappellent la grande photo documentaire états-unienne, d’autant mieux que le décor est le plus souvent rural, avec des maisons en bois, des vieilles voitures, un sens de la communauté et une liberté manifestes. Trois photos de groupe font un beau raccourci de ces années : une vue des coulisses du Limelight Club, des femmes endormies en plein jour, sur des matelas au sol, au moment de la Revolutionary Women’s Conference, un groupe posant fièrement devant une presse d’imprimerie.
Du 6 avril au 20 mai 2023, commissaire associée : Hélène Giannecchini, Galerie Marcelle Alix, 4 rue Jouye-Rouve, 75020 Paris
Anthony McCall : Raised Voices
En 1973, Anthony McCall a réalisé l’une des œuvres clés de « l’expanded cinéma », ou cinéma élargi : A line describing a cone. Soit un film qui dessine progressivement un cercle blanc sur un fond noir puis projette l’image du cercle achevé. Le film étant projeté dans un espace envahi par un fumigène, la lumière du projecteur dessine dans l’espace un cône quasi palpable à l’intérieur duquel les visiteurs peuvent se mouvoir. Du film à l’animation numérique, de l’expérience de la projection à l’exposition pour plusieurs ou pour un seul, le travail de McCall continue de se développer à partir de cet acte fondateur.
Les deux pièces que nous découvrons aujourd’hui projettent chacune un cercle autour ou à l’intérieur duquel danse(nt) une ou des ligne(s). Pour Raised Voices, il s’agit d’une projection au mur classique, pour laquelle David Grubbs a composé une partition sonore mêlant sons électroniques et sons naturels. Un univers visuel et un univers sonore qui se cherchent et se répondent dans le noir.
La deuxième projection, Skylight, se fait à la verticale sur un socle et cette fois David Grubbs a conçu une composition presque réaliste, avec bruits de pluie et de tonnerre. Ainsi, tout en restant fidèle à ses fondamentaux, McCall trouve de nouvelles formes, de nouveaux arrangements entre le laboratoire et le spectacle.
Du 1er avril au 20 mai 2023, Martine Aboucaya, 5 rue Sainte Anastase, 75003 Paris
Naama Tsabar : Layers and Formations
Naama Tasbar est de ces artistes pour qui les œuvres plastiques sont pensées en relation à la musique et à l’activité musicale. Elles portent la mémoire des performances passées et appellent à une activation. Deux séries d’œuvres se partagent les murs. L’une, les Felt Pieces (entamées en 2012), sont des plaques de feutre coloré au milieu desquelles sont tendues des cordes de piano reliées à des amplis. Renforcé par de la fibre de carbone, le feutre s’est déformé sous la tension des cordes et semble comme soulevé par le vent. Les cordes quand on les pince libèrent un son ample et profond. La métaphore de l’écho convient doublement pour caractériser la relation de l’art de Naama Tasbar avec celui de Joseph Beuys.
Suspensions est une série de tableaux-reliefs noirs, des réseaux de câbles entièrement recouverts de gaffer. De ces tableaux tombent les extrémités des câbles avec leurs prises, suggérant également une activation. Le gaffer est ce ruban adhésif employé au cinéma ou sur les scènes de concerts pour fixer les câbles ou masquer certains accessoires. Pour Naama Tsabar, ce matériau symbolise le masquage et, par cette série d’œuvres d’inspiration constructiviste, elle rend hommage à un collaborateur de l’ombre. Un isolant qui sonne, un masqueur qui s’affiche par souci de transparence, on comprend que l’artiste a le goût du retournement. Dans sa musique, elle s’emploie à déconstruire la masculinité du rock, du metal en particulier, et n’accomplit ses performances qu’avec des femmes ou des personnes non-binaires.
Du 30 mars au 6 mai 2023, Dvir Gallery, 13 rue des Arquebusiers, 75003 Paris