« Rien ne trouble la belle harmonie de ces rues, où respire le beau idéal du Moyen Âge. En vingt endroits de Florence, par exemple en descendant du pont della Trinità et passant devant le palais Strozzi, le voyageur peut se croire en l’an 1500 », écrit Stendhal dans son récit de voyage Rome, Naples et Florence (1826). Au Palazzo Strozzi actuellement, c’est bel et bien au présent que l’art contemporain se conjugue avec une sélection de quelque soixante-dix œuvres phares de la collection de la Fondazione Sandretto Re Rebaudengo.
Sous le titre « Reaching for the Stars. Da Maurizio Cattelan a Lynette Yiadom-Boakye », l’exposition célèbre les 30 ans de cette collection privée parmi les plus remarquables, rassemblant pas moins de 2 000 pièces depuis sa création en 1992. Cet ensemble éclectique, qui mêle grands noms internationaux, figures de l’art italien et artistes émergents, doit sa raison d’être à la collectionneuse Patrizia Sandretto Re Rebaudengo, dont l’élégance et le goût n’ont d’égal que sa passion pour les artistes, qu’elle soutient assidûment à travers sa Fondation. Ses vernissages, comme le dîner annuel donné dans sa résidence turinoise à l’ouverture de la Foire d’art contemporain Artissima, réunissent le nec plus ultra du monde de l’art. « Célébrer trente ans de collection dans ce bâtiment [le Palazzo Strozzi], chef-d’œuvre de l’architecture de la Renaissance, est l’occasion de retracer les chemins de l’art contemporain de ces dernières décennies, en créant un dialogue vivant entre l’ancien et le contemporain », déclarait la collectionneuse lors de l’ouverture de la rétrospective florentine, à l’invitation d’Arturo Galansino, directeur du Palazzo Strozzi, qui en assure le commissariat.
L’exposition décolle dans la cour intérieure avec GONOGO, la spectaculaire fusée de 15 mètres de haut de Goshka Macuga, pour la première fois dévoilée. L’installation devrait atterrir sur une île de la lagune de Venise, investie par la Fondazione Sandretto Re Rebaudengo, lors de la prochaine Biennale d’art. La première salle, intitulée « God Save the Queen », est dédiée aux artistes britanniques, très en vogue au début des années 1990 – les coups de cœur initiaux de la collectionneuse à Londres. La sculpture écarlate 1000 Names (1983) signée Anish Kapoor – pierre fondatrice de la collection – jouxte l’imposante installation The Acquired Inability to Escape, Inverted and Divided (1993) et Love is Great (1994), peinture bleue aux papillons, de Damien Hirst ; un portrait tête en bas de Glenn Brown, Ariane 5 (1997) ; des sculptures féministes de Sarah Lucas, Love me (1998) et Nice Tits (2011). Un néon de Cerith Wyn Evans est suspendu plus loin.
Suit la section « Art Matters », qui rassemble des œuvres de Charles Ray, telle Viral Research (1986) traitant du sida, Rosemarie Trockel, David Medalla, Isa Genzken et Rudolf Stingel. Selon Patrizia Sandretto Re Rebaudengo, ce dernier aurait réalisé ses toiles à motifs, dont un exemple est présenté ici – Untitled, Ex Unico (2004) –, après être resté admiratif devant le mur tapissé d’un des cafés historiques du centre de Turin.
À tout seigneur tout honneur, dans la salle « Made in Italy », Roberto Cuoghi et Paola Pivi côtoient le trublion Maurizio Cattelan. Son écureuil suicidé Bidibidobidiboo (1996) est l’une des pièces favorites de la collectionneuse, ainsi que La rivoluzione siamo noi (2000), une réplique en cire miniature de l’artiste suspendu par le col de sa veste à un porte-manteau.
Le parcours thématique se poursuit avec « Identities » : des photographies en noir et blanc de Cindy Sherman y dialoguent avec un portrait de Shirin Neshat, une sculpture-autoportrait de Pawel Althamer nu et un grand format de Barbara Kruger. Dans la salle « Places », une lightbox de Jeff Wall, The Jewish Cemetery (1980) photographié à Vancouver, fait face à une vue du ciel étoilé de Thomas Ruff, à Times Square, New York (2000) de Thomas Struth, et à un grand format minimaliste de Andreas Gursky, Arena III (2003). « Bodies », section consacrée au corps, confronte des sculptures de Berlinde De Bruyckere à des toiles de Lynette Yiadom-Boakye ou Michael Armitage.
« Mythologies » expose les sculptures monumentales d’Adrián Villar Rojas et Thomas Schütte ; « Abstractions », les peintures de Tauba Auerbach, Wade Guyton, Avery Singer, Albert Oehlen, Cecily Brown, ainsi qu’un grand tirage de Wolfgang Tillmans. La section « Stories », enfin, fait la part belle à la narration à travers des œuvres de Cady Noland, William Kentridge, Hans-Peter Feldmann, Doug Aitken, Douglas Gordon & Philippe Parreno, Tino Sehgal ou Ragnar Kjartansson. Autant de « stars » de la création contemporaine, exceptionnellement rassemblées dans cet écrin historique. Après Laurent de Médicis, dit le Magnifique, protecteur des arts à la Renaissance, le temps est venu de saluer Patrizia la Magnifica !
« Reaching for the Stars. Da Maurizio Cattelan a Lynette Yiadom-Boakye », 4 mars-18 juin 2023, Palazzo Strozzi, Piazza Strozzi, 50123 Florence, Italie.