C’est un nouveau printemps pour Art Paris. Au Grand Palais Éphémère, les grandes galeries françaises sont là, de Nathalie Obadia à Perrotin en passant par Lelong & Co., Templon, Mennour, Almine Rech, Mitterrand… « Nous avons beaucoup d’artistes à montrer et c’est important pour nous d’être aussi local dans cette foire centrée sur les collectionneurs parisiens, où nous avons exactement le même emplacement d’ailleurs qu’à Paris+ par Art Basel, et dont la liste des galeries est en nette hausse », confie Emmanuel Perrotin, tout juste rentré d’Art Basel Hong Kong. La galerie expose notamment un mur consacré à Claude Rutault, auquel le Louvre, le Centre Pompidou et le musée d’Orsay vont rendre hommage ce printemps, ainsi qu’une œuvre d’Anna-Eva Bergman, dont la rétrospective ouvre cette semaine au musée d’Art moderne de Paris.
Implantées ou non dans la capitale, nombre de galeries étrangères plébiscitent désormais Art Paris. Chez Xippas, qui présente un étonnant buggy de Blair Thurman, exposé cet hiver au FRAC Normandie à Caen, pour 50 000 euros, la foire attire non seulement les collectionneurs habituels, « mais aussi, grâce à son emplacement, les habitants des 7e et 15e arrondissements, avides de culture », note Tristan van der Stegen. Pour le Bruxellois Rodolphe Janssens, Art Paris est « la foire du vrai marché, celui des pièces entre 10 000 euros et 150 000 euros, et des gens avec qui on peut échanger et qui cherchent des œuvres sans esprit spéculatif ». Outre une très jolie série sur papier consacrée aux hiboux par Gert & Uwe Tobias, la galerie montre une imposante scène digne d’un harem par Roger-Edgar Gillet, tableau de 1969 inspirée du bain turc d’Ingres, pour 130 000 euros. Deux Français ont voulu l’acheter au même moment, peu après le début du vernissage le 29 mars, dont l’un pour une fondation américaine, mais c’est finalement celui qui le destinait à sa maison en France qui l’a acquis. Par ailleurs, Rodolphe Janssens montre des œuvres abstraites du Belge Léon Wuidar, dont trois peintures ont été récemment acquises par le Centre Pompidou. François Rouan est à l’honneur sur plusieurs stands, notamment chez Templon et Ditesheim & Maffei Fine Art, tandis que A&R Fleury montre Hans Hartung, Serge Poliakoff et Victor Vasarely.
De retour à Art Paris après une très longue absence, l’Italienne Poggiali réunit sur son stand des œuvres de Goldschmied & Chiari, Basil Kincaid, Claudio Parmiggiani – avec notamment une très belle pièce en verre brisé à 25 000 euros – et une sculpture bleue d’Erwin Wurm. Quant à la Catalane Mayoral, également installée à Paris, avenue Matignon, située juste en face de l’entrée de la foire, elle mise entre autres sur deux œuvres d’Eulalia Grau, artiste féministe des années 1970 qui dénonçait notamment la société de consommation après la dictature de Franco, ou la conquête de l’espace pendant la guerre froide, comme dans un très beau collage affiché à 40 000 euros. L’enseigne de Barcelone présente aussi une œuvre sur papier de Picasso pour 800 000 euros et une autre de Miró pour 750 000 euros. Leur simple présence sur la foire est l’un des signes de la montée en gamme d’Art Paris… et de ses visiteurs !
Pour le conseiller indépendant Martin Bethenod, cette édition témoigne « d’un bon niveau de qualité pour l’art contemporain historique français. C’est devenu une foire sérieuse, adulte, ni l’ado turbulent ni la personne d’âge mûr à la recherche de frissons de jeune homme », résume-t-il. Et d’ajouter : « il y a une remontée globale du niveau des foires parisiennes, dont Art Paris mais aussi à Paris + par Art Basel. Toutefois, les confins de la foire sont un peu moins convaincants ».
Parmi le plus convaincant, Martin Bethenod note Alfred Courmes ou Gilles Aillaud chez Loevenbruck, l’accrochage collectif de Pietro Spartà, Dove Allouche chez gb agency, le dialogue Mosset-Malaval chez Pauline Pavec, « la très belle sculpture de Valentin Carron » chez Mennour…
Quant à Sam Szafran, Paul Rebeyrolle – qui a longuement intéressé à l’ouverture le collectionneur Marin Karmitz –, ou au très beau et inquiétant Peter Blake des années 1980 proposé à 700 000 euros, ils résument selon lui « le meilleur du goût de Claude Bernard » sur le stand de sa galerie reprise par son neveu après la disparition de ce vétéran à l’automne 2022. Face à ces grands noms établis, tels les Riopelle, Zao Wou-Ki et Max Ernst sur le stand très soigné et éclairé (par l’arbre lumineux de Charles Macaire d’Hélène Bailly), les jeunes générations, notamment féminines, se distinguent par des univers pleins de fantaisie et d’humour, des guerrières de Kubra Khademi chez Eric Mouchet sélectionnée par Marc Donnadieu pour le parcours « Art & Engagement », tout comme le foisonnement mythologique d’Agathe Pitié et ses chats chez Claude Bernard. Rafraîchissant !