Avec Roland Castro disparaît une certaine idée de l’architecture engagée, au diapason des utopies de Mai 1968. Ancien maoïste, l’architecte urbaniste est mort à Paris le 9 mars, à 82 ans. Né à Limoges en 1940 – ses parents juifs ont fui Paris pendant l’exode –, il grandit dans l’un des premiers maquis de la résistance. De ces quatre années, il déclarera : « J’ai une dette envers mon pays, une dette envers le maquis communiste du Limousin. Ils ont été magnifiques avec ma famille, avec ma sœur, et avec moi. On s’est cachés là-bas. Et ces Français ont été à la hauteur de la France. La directrice de l’école où j’allais a son nom gravé sur le Mur d’honneur dans le Jardin des Justes, en Israël. »
Entré aux Beaux-Arts de Paris en 1958, il rejoint l’Union des étudiants communistes après avoir été porteur de valises pour le compte du FLN algérien. Ce militantisme l’amènera à embrasser la cause de la lutte révolutionnaire.
En 1983, cofondateur de Banlieues 89 avec l’urbaniste Michel Cantal-Dupart, il se verra confier une mission interministérielle par François Mitterrand. Le manque de financement aura raison de ce plan pour les banlieues, malgré quelque deux cents projets soumis au gouvernement. À travers ses réalisations, l’architecte continuera à défendre sa vision politique, un urbanisme créateur de lien social, et n’aura de cesse de « convaincre ses concitoyens et ceux qui les représentent que les banlieues ne sont pas des fourre-tout pour exclus de la société ».
Personnage haut en couleur, Roland Castro fréquenta Jean-Paul Sartre et Jacques Lacan. Il rencontra Fidel Castro et Che Guevara lors d’un voyage à Cuba en 1961. Parmi ses réalisations figurent la Bourse du travail à Saint-Denis, l’Université de technologie de Belfort-Montbelliard, la Cité internationale de la bande dessinée à Angoulême ou le complexe de la rue de Bagnolet à Paris (logement, médiathèque, hôtel et restaurant Mama Shelter).
Mitterrandien, soutien du PCF puis d’Emmanuel Macron, Roland Castro s’était engagé dans la course à la présidentielle de 2007 avec son propre parti, le Mouvement pour l’utopie concrète, sans toutefois obtenir les parrainages nécessaires.
« Légende de l’architecture et de l’urbanisme, militant de gauche visionnaire, Roland Castro nous a quittés. À notre paysage urbain, il lègue une empreinte indélébile. Aux citoyens, une inspiration. Au revoir et merci, Roland », a tweeté le président de la République, qui lui avait commandité un rapport sur le projet du Grand Paris en 2018.