Le Hispanic Society Museum & Library – l’une des importantes institutions dédiées à l’art et à la culture des pays hispanophones et lusophones, située dans le quartier de Upper Manhattan – va rouvrir le 6 avril les portes de son bâtiment principal, fermé depuis 2017, après un vaste chantier de réaménagement engagé pour un montant de 20 millions de dollars.
La cour principale de style Renaissance espagnole, avec sa spectaculaire arcade en terracotta, et la salle dédiée à la série de peintures panoramiques de Joaquín Sorolla, Vision d’Espagne, installée à l’origine en 1926, seront accessibles aux personnes handicapées pour la première fois. Le bâtiment a été rénové en modernisant la toiture, son installation électrique, ses fluides, sa peinture, l’éclairage et la signalisation.
« Nous voulions conserver la magie de ces espaces chers aux gens, mais les rendre moins poussiéreux, plus dynamiques, plus accueillants et moins secrets », explique le directeur Guillaume Kientz, qui a rejoint le musée en 2021 alors que les travaux, réalisés par Selldorf Architects et Beyer Blinder Belle Architects, étaient déjà lancés. Avant de rejoindre l’institution, le Français a été conservateur de l’art européen au Kimbell Art Museum à Fort Forth, au Texas (2019-2021), et conservateur de l’art espagnol, portugais et d’Amérique latine au musée du Louvre à Paris (2010-2019).
Conservant une collection exceptionnelle de 750 000 pièces, dont des chefs-d’œuvre du Greco, de Velázquez et de Goya, l’Hispanic Society, fondée en 1904 par le collectionneur et philanthrope Archer Huntington, est un lieu incontournable pour les chercheurs et les spécialistes de ce domaine.
Mais ses bâtiments néoclassiques centenaires, situés sur un campus de la taille d’un pâté de maisons comprenant également le Boricua College et l’American Academy of Arts and Letters, n’ont pas réussi jusqu’ici à attirer un nombreux public. De nouvelles bannières sur la façade et une signalétique sur les grilles, autorisées par la Landmarks Preservation Commission, visent à remédier à ce problème d’image.
« Ce musée doit attirer la communauté locale, des New-Yorkais en général et des touristes qui visitent la ville. Il doit leur donner le sentiment de faire partie de la communauté muséale, explique Guillaume Kientz. L’idée est de devenir une destination. Mais nous voulons aussi nous assurer que le lieu continue à présenter un accrochage renouvelé, avec des expositions inédites dans la cour principale tous les six mois et dans la salle des projets temporaires tous les trois mois. »
Peu après son arrivée, Guillaume Kientz s’est associé à la Northern Manhattan Arts Alliance (NoMAA) pour installer quatre peintures murales réalisées par des artistes vivants, retraçant l’histoire de l’immigration de la communauté latino-américaine dans ce quartier de Upper Manhattan, sur la Broadway Terrace, à l’intérieur des grilles, entre les 155e et 156 Rues. Il y a observé les gens venir tous les jours et prendre des selfies. « J’ai trouvé ces scènes incroyables, commente-t-il. C’est notre moteur le plus immédiat pour convaincre le public de franchir le portail. »
Ce printemps, sur la Audubon Terrace, le musée installera un Penetrable (1990) jaune vif du Vénézuélien Jesús Rafael Soto, prêté par la Colección Patricia Phelps de Cisneros. L’œuvre célébrera le centenaire de la naissance de cet artiste cinétique pionnier. C’est la première fois qu’un des cubes interactifs monumentaux de Soto, composé de tubes suspendus que les spectateurs peuvent traverser pour découvrir un labyrinthe de lumière et de couleurs vibrantes, sera présenté à New York.
D’autres pièces murales de Soto issues de prêts seront accrochées à l’intérieur de la cour principale, en dialogue avec une sélection de paysages marins atmosphériques et de portraits issus de la vaste collection d’œuvres de Joaquín Sorolla que possède la Hispanic Society. Le peintre, considéré comme le plus en vogue en Espagne au tournant du XXe siècle, est décédé l’année de la naissance de Soto. « C’est une rencontre inattendue entre deux artistes d’univers et d’esthétiques différents, explique Guillaume Kientz. Nous allons jouer avec ce contraste dans ce cadre très public. »
À l’intérieur de la salle d’exposition permanente d’œuvres de Sorolla, qui rouvre ses portes, la créatrice de bijoux espagnole Luz Camino bénéficiera de sa première exposition muséale aux États-Unis. Cette rencontre sera l’occasion d’un nouveau dialogue entre des artistes d’époques différentes qui partagent un intérêt pour les couleurs vives et l’utilisation de la lumière.
En juin, l’Hispanic Society présentera sur la Broadway Terrace une installation monumentale de l’artiste d’origine argentine Marta Chilindron. Son œuvre Orange Cube (2014) se compose de 62 panneaux carrés aux couleurs vives, qui peuvent être dépliés dans de multiples configurations. Elle est la première lauréate d’un appel à candidatures lancé auprès des résidents du quartier de Upper Manhattan pour créer une installation estivale annuelle – un autre partenariat avec NoMAA.
La prochaine phase du plan directeur de rénovation devrait commencer en 2024 sur le bâtiment Est. Le projet comprend un centre d’accueil des visiteurs, des salles d’expositions spécifiques, un centre éducatif et un laboratoire de restauration, qui seront reliés au bâtiment principal. Le chantier, d’une durée de quatre ans, disposera d’un budget de 50 millions de dollars, dont les deux tiers ont été réunis grâce aux efforts du président du conseil d’administration, Philippe de Montebello, ancien directeur du Metropolitan Museum of Art de New York. « Il est le principal ambassadeur de l’Hispanic Society, se félicite Guillaume Kientz. Cela a été formidable de l’avoir comme président et comme mentor. »