Alors que la présence hexagonale sur le continent africain est contestée dans plusieurs pays, notamment au profit des intérêts chinois ou de la montée en puissance, économique et militaire, de la Russie, Emmanuel Macron a dévoilé les grands axes de sa stratégie de reconquête avant la tournée qu’il entreprend sur le continent à compter du 28 février.
En novembre 2017, à l’Université Joseph Ki-Zerbo à Ouagadougou, le chef de l’État avait annoncé qu’il n’y avait plus de politique africaine de la France. Comprendre : tourner la page de la « Françafrique » et ses relents de domination coloniale. La France n’en entend pas moins continuer à défendre ses intérêts et son influence sur un continent qu’elle a longtemps considéré comme un « pré carré », à l’heure où émerge une puissance dont les perspectives de développement aiguisent tous les appétits. « Le temps passé sur le continent africain est irremplaçable. J’y ai effectué dix-sept déplacements, été accueilli dans vingt et un pays », a rappelé dans son discours le président de la République, avant « d’essayer, de la manière la plus claire, de défendre ce que nous y faisons, la cohérence de notre action, et de renforcer aussi cette envie d’Afrique en France. » L’enjeu est économique, sportif, militaire… Il est aussi culturel.
Après la Saison Africa 2020, « ce mouvement de reconnexion avec la création contemporaine africaine dans toutes ses composantes […] sera la mission de la future maison des mondes africains qui organisera à l’automne prochain un forum sur les industries culturelles et créatives africaines. Sur le continent africain, ce sera le rôle de nos instituts culturels, de notre réseau de coopération, de nos alliances françaises, de redevenir le creuset de cette intimité franco-africaine et de ce changement de regard. »
Rappelant la restitution au Bénin des œuvres du trésor d’Abomey, conservées au musée du quai Branly-Jacques Chirac, suivant les recommandations du rapport rédigé par Bénédicte Savoy et Felwine Sarr, Emmanuel Macron a annoncé de nouvelles restitutions alors qu’une loi-cadre sera proposée dans les prochaines semaines au Parlement par la ministre de la Culture Rima Abdul Malak, à partir des préconisations de Jean-Luc Martinez, ancien directeur du musée du Louvre. « Cette loi-cadre permettra de fixer avec notre représentation nationale la méthodologie et les critères pour procéder à de nouvelles restitutions au profit des pays africains qui le demandent et reposant sur un partenariat culturel et scientifique pour accueillir et conserver ces œuvres », a précisé le président. Et d’ajouter : « La Côte d’Ivoire l’a déjà fait. Je souhaite que cette démarche puisse s’inscrire dans une dynamique plus large et européenne, à l’image du fonds franco-allemand que nous avons lancé pour développer les recherches de provenance sur les œuvres africaines entrées dans nos collections ».
En défendant une nouvelle méthode pour un partenariat renouvelé avec les pays africains, Emmanuel Macron a appelé de ses vœux une transition dans les relations – politique culturelle comprise. Et à plus « d’humilité », en opposition à la logique de « prédation » des concurrents de Paris. Le défi est de taille, en termes de parts de marché mais aussi de soft power. « Voilà le sens de ce déplacement et des efforts que nous allons conduire dans les quatre années à venir : assumer nos intérêts, les promouvoir, mettre en place des liens humains plus forts au cœur de ce partenariat, renforcer le lien avec les sociétés civiles et bâtir ensemble un agenda sur les questions climatiques, d’éducation et de santé qui sont bonnes pour nous tous. Des liens économiques, scientifiques, universitaires, culturels, sportifs. », a conclu le président de la République.