Hicham Berrada : Vestiges
C’est une exposition en trois temps, avec comme unité thématique la décomposition de circuits imprimés, base essentielle de nos vies. Dans un terrarium, un circuit imprimé a été déposé au milieu de plantes, de mousses et de champignons dont le mycélium va progressivement œuvrer à le rendre inoffensif pour l’environnement. Le processus est invisible à l’œil nu, mais ce micro-paysage offre une trouble image de réconciliation avec la nature en même temps qu’il est source d’instruction. Dans une autre salle, quatre vidéos montrent chacune un circuit imprimé en décomposition dans une solution électrolytique. Le spectacle offert, sans début ni fin, pourrait être défini comme vidéo d’ameublement, comme il existe une musique du même nom. Dans une troisième salle enfin, des bassins de verre montrent des formes évocatrices de végétaux ou de minéraux. Ces formes, fixées dans la résine, ont été obtenues par décomposition de circuits imprimés dans un bain électrolytique.
Ces trois expériences organisées par Hicham Berrada, sources de réflexion écologique, représentent trois approches, trois époques de l’art, allant de la transformation des éléments à un effacement de l’humain au profit d’un processus de reconquête par le végétal, en passant par un art d’ambiance, expérimental, avec traînées lumineuses.
Du 3 février au 18 mars 2023, Mennour, 47 rue Saint-André-des-Arts, 75006 Paris
Liz Magor : Fresh from Failure
Outre une guirlande végétale suspendue autour d’un gobelet jetable fixé au mur, ce sont deux figures animales qui nous accueillent, deux jouets du genre objet transitionnel : un singe vert couché sur un alignement de gobelets posés sur un guéridon et de pailles à boire, dont certaines traversent ses pattes, et un hippopotame brun affalé sur sa table sur quelques papiers et agitateurs en bois, et qui porte en serre-tête une corne de licorne. Ces figures à peu près décrites sont en silicone ou gypse polymérisé. Un regard détaché ne verra là qu’une débauche d’objets ou de simulacres, tandis qu’un minimum d’empathie nous fera considérer la souffrance d’objets maltraités, et, montant encore d’un degré dans la fiction, celle d’animaux plongés dans la débauche et reflets de l’humain. Aux murs, ce sont des boîtes qui nous regardent, petites boîtes d’emballage ouvertes contenant chacune un assemblage de pièces d’habillement (chemise, gant…) et de menus objets avec quelques étiquettes de marques en évidence. Ces boîtes laissent voir un moment suspendu entre l’archive et l’abandon, peuvent d’un regard se changer en matériau pour l’histoire ou matière à recycler. Interrogeant notre relation aux choses, Liz Magor excelle dans le mélange des genres et des sentiments.
Du 9 février au 1er avril 2023, Galerie Marcelle Alix, 4 rue Jouye-Rouve, 75020 Paris
Emmanuel Van der Meulen : Medusa
Les nouveaux tableaux d’Emmanuel Van der Meulen ont été peints en blanc sur noir à l’acrylique. Ils présentent chacun un motif parfaitement ou presque parfaitement symétrique autour d’un rond central. Pour obtenir ce résultat, il a défini une méthode de travail consistant à déverser la peinture blanche sur la toile déjà enchâssée et à la laisser se répandre selon des pentes préparées. Les différences de densité et d’épaisseur font qu’à certains endroits le blanc s’apparente à un glaçage et, à d’autres, plutôt à un glacis, en donnant plus d’un sens à ce mot. La vision d’une peinture littéralement en fuite(s) n’empêche pas d’y superposer un motif floral ou une nébuleuse, le processus de hasard maîtrisé combinant ses effets avec le décoratif et l’imaginaire sans aucune exclusive. Et, comme pour élargir la perspective ou offrir un contrechamp à ces jeux de vision, sont exposés dans une deuxième salle une série de photogrammes en noir et blanc, extraits de films de Mario Bava, et qui montrent tous des visages traversés par l’inquiétude ou l’effroi. Ces images sérigraphiées sont relevées de quelques traits de crayon qui en désignent le centre, comme un témoignage d’admiration et l’amorce d’un discours sur l’abstraction.
Du 4 février au 25 mars 2023, Galerie Allen, 6 passage Sainte-Avoye, 75003 Paris
Erwan Sene : Zona Gargantua
Dans leur texte de présentation très inspiré, les deux commissaires Pierre Alexandre Mateos et Charles Teyssou nous apprennent qu’une des sources d’inspiration de l’exposition est une illustration de Gargantua pissant du haut des tours de Notre-Dame. En dépit de cette référence livresque annoncée, le spectaculaire déploiement d’objets et de machines nous évoque davantage l’univers de Playtime. Post-Playtime, est-on tenté de dire, tant ces objets composés de pièces d’équipements (de la ventilation aux sanitaires), transformés, customisés, dans une gamme chromatique où dominent le brun et le gris, semblent lutter pour leur survie. Plantés sur des sortes de colonnes en plastique, à moitié couverts de housses en similicuir, ils envoient de faibles signaux lumineux, diffusent des bruits lointains, avec pour unir cette étrange communauté des câbles électriques courant sur le sol de la galerie et qui rejoignent un puissant organe central au sous-sol. Aux murs, des tableaux superposant images et textes, comme une forme cryptée de culture populaire, et des reliefs voilés par des résilles qui se souviennent des 1 % décoratifs. Dans la « Zona Gargantua », le plastique a la patine du bronze.
Du 4 février au 1er avril 2023, Galerie Balice Hertling, 84 rue des Gravilliers, 75003 Paris