Après deux longues années d’absence, compensées par des éditions à Paris, la foire 1-54 fait son grand retour à Marrakech jusqu’au 12 février 2023. La plus intimiste mais aussi la plus emblématique des foires 1-54 car elle se joue à domicile, sur le continent africain dont elle arbore le nombre de pays dans son nom, elle tire aussi sa force du charme puissant de la ville ocre. Mais également de son cadre enchanteur, la salle de bal du célèbre hôtel La Mamounia. Créée en 2018 comme un retour aux sources par Touria El Glaoui, Marrakech fait suite à la 1-54 London (2013), la plus importante en taille, et à 1-54 New York (2015). Ses avantages ? « Marrakech est tout près de l’Europe, et sans visa. Sa spécificité est d’être à la fois francophone et arabophone, avec une audience francophone plus importante qu’ailleurs », confie la directrice.
Malgré un calendrier particulièrement chargé en février cette année avec, entre autres, Menart Fair Brussels juste avant et, juste après, Investec Cape Town Art Fair, la foire marrakchi a réussi à réunir 20 galeries tout comme en 2020, un format imposé par le lieu d’accueil. Avec douze nouveaux exposants, cette 4e édition offre un visage fortement renouvelé. « Malgré l’agenda chargé, nous avons une galerie, Superposition, qui vient de Miami Beach pour la première fois et voulait faire Marrakech en priorité », précise Touria El Glaoui. L’enseigne expose des œuvres d’Audrey Lyall et d’Ambrose Rhapsody Murray respectivement pour 6 500 et 25 000 dollars. Autre nouvel exposant : la galerie Templon. Elle fait une entrée spectaculaire à la foire avec une œuvre monumentale de Kehinde Wiley affichée à 750 000 euros ainsi qu’une très belle peinture d’Omar Ba consacrée à l’impact ambivalent de la presse en Afrique, à 110 000 euros. Des niveaux de prix inhabituels à 1-54 Marrakech ! La galerie Templon, qui expose une œuvre presque abstraite d’Alioune Diagne « découvert récemment à la Biennale de Dakar » précise Daniel Templon, a vendu à l’ouverture une œuvre d’Abdelkader Benchamma « à une fondation africaine située sur une île ». Ce n’est pas sorcier de deviner qu’il s’agit de la fondation H, dont la directrice est une ancienne de 1-54, et qui ouvrira ce printemps un nouveau lieu à Madagascar. Elle s’est montrée très active sur la foire au vernissage, achetant également une œuvre textile de Yacinthe Ouattara chez 193 Gallery, autre nouveau participant. « Nous avons à ce jour conclu neuf ventes, à des Marocains, des Anglais, des Américains. Une grande diversité de collectionneurs ! », se réjouit César Lévy, directeur de la galerie. Et d’ajouter : « par son format, 1-54 Marrakech est idéal pour les collectionneurs mais aussi les nombreux conseillers qui sont venus et qui n’ont pas mille œuvres à voir ».
Parmi les autres entrants figurent la Galerie 38, de Casablanca, qui a inauguré le 9 février un nouvel espace dans le quartier du Guéliz à Marrakech avec une sélection de jeunes artistes abstraits géométriques, haute en couleurs. Elle a vendu à la foire plusieurs œuvres, notamment un textile d’Abdoulaye Konaté. Reste que seulement six galeries dont quatre basées au Maroc proviennent d’Afrique sur cette édition, contre quatorze en 2020. Le régime d’importation temporaire des œuvres – elles doivent obligatoirement repartir dans le pays de la galerie avant d’être réexpédiées à l’acquéreur – ne facilite pas les choses…
Lui aussi nouveau participant, Foreign Agent, de Lausanne en Suisse, consacre un solo show du jeune Américain Nicolas Coleman – mère suisse et père afro-américain – qui interroge avec subtilité dans ses portraits assez classiques d’intérieurs marocains le sentiment d’être un étranger au Maroc. Le stand est sold-out (1 000 à 4 200 euros) grâce à un vif intérêt américain en amont.
Du côté des habitués, Nathalie Obadia a cédé des pièces entre autres à « des Italiens de Paris, un financier vivant entre Londres et Marrakech. On n’a pas arrêté de travailler. Nous n’avons vendu qu’a des gens que nous ne connaissions pas, et nous avons revu les autres », confie la galeriste parisienne, qui s’est délestée d’œuvres entre 7 000 euros pour Seydou Keïta et 40 000 euros pour Youssef Nabil.
Autre familier de la foire, Magnin-A consacre son stand à l’Angolaise Ana Silva, dont les œuvres textiles explorent le thème du travail des enfants (comptez 8 000 à 18 000 euros). Elles ont rencontré un vif intérêt dès le début de la foire… Une installation de l’artiste est présentée en parallèle à l’espace Dada jouxtant la place Jeema El-Fna. Enfin, la galerie Cécile Fakhoury, implantée à la fois dans le Triangle d’or parisien, en Côte d’Ivoire et au Sénégal, a vendu « la moitié de son stand, pourtant pas le plus facile qu’on aurait pu faire », explique le directeur Francis Coraboeuf, qui prépare pour Paris un solo show de Mariam Abouzid Souali, exposée à la foire. Venue avec une liste d’artistes à voir, Vanessa Branson, sœur du fondateur du groupe Virgin Richard Branson, s’est révélée à nouveau très impliquée, achetant des œuvres dans au moins 7 à 8 galeries. Les exposants espéraient la venue de la famille royale du Maroc ou de ses conseillers, acheteurs par le passé et très actifs à la foire.
1-54 Marrakech, jusqu'au 12 février 2023, hôtel La Mamounia, Marrakech, Maroc.