Né le 24 décembre 1931, agrégé d’histoire et titulaire d’un diplôme d’études supérieures spécialisées (DESS) d’histoire de l’art, Jean-Claude Lemagny commence sa carrière comme conservateur à la Bibliothèque nationale, où il entre en 1963. En charge de la gravure du XVIIIe siècle, qu’il enseignera à l’École du Louvre, il prend en 1968 la direction des collections de photographies au Cabinet des estampes, poste qu’il occupera jusqu’en 1996. En 1971, il crée la Galerie de photographie de la Bibliothèque nationale, où il assurera le commissariat de nombreuses expositions consacrées tant à la photographie ancienne qu’aux talents émergents. Sur un rythme décennal, il organise des expositions d’enrichissement des collections du département. Son rôle sera majeur dans la mise en valeur de la photographie contemporaine, d’Édouard Boubat (1973) à Gilles Caron (1978), Garry Winogrand (1980), Arnaud Claas (1982), Bruce Gilden (1989)…
Auteur de nombreux textes et articles consacrés à l’esthétique ou à l’histoire de la photographie, il a produit des catalogues d’exposition et participé à la création des Cahiers de la photographie avec Claude Nori, Bernard Plossu, Gilles Mora et Denis Roche. Son livre La Photographie créative (Contrejour, 1984) a reçu le prix Nadar. On lui doit également La Photographie : tendances des années 1950-1980 (CNDP, 2002).
« Entre 1975 et 1985, nous nous partagions souvent les jeunes photographes qui venaient montrer leurs portfolios, un travail qui nous prenait plusieurs matinées par semaine, se souvient Claude Nori dans un texte envoyé à L’œil de la photographie. Toi à la BNF et moi à la galerie Contrejour. Tu étais beaucoup plus sérieux que moi et tu impressionnais par ta culture en sachant mettre de l’ordre dans les travaux souvent confus ou trop clichés des photographes. Tu savais théoriser avec tact et justesse pour stimuler mais surtout défendre la photographie d’auteur que tu portais très haut comme un étendard. Il fallait te voir aux Rencontres de la photographie d’Arles dans les salons de l’hôtel d’Arlatan courbé sur les tirages avec un cercle de fans qui faisaient la queue pour que tu te penches sur leurs œuvres. Cela me faisait beaucoup rire, ce silence autour de toi et les gants blancs obligatoires qui circulaient pour toucher les passe-partout. Beaucoup d’Américains se battaient pour toi : "I want to show you my last work", disaient-ils humblement. Je dis cela et j’ai la nostalgie de cette époque. On défendait des causes, on s’écharpait pour des mots, pour des définitions et surtout pour avoir ses photographies à la Bibliothèque nationale, preuve qu’on rentrait dans le saint des saints de la plus belle collection de France et peut-être du monde. Tu as réussi ce coup formidable de passer en douceur des estampes à la photographie, te débattant sans compter, duc de Richelieu régnant sur des trésors incroyables. Beaucoup de photographes te doivent d’exister aujourd’hui. »