Signe d’un certain retour à la normale du calendrier international du marché de l’art, après deux années compliquées, artgenève revient fin janvier au bord du lac Léman. Cette année, un oiseau de Jeff Koons, apporté par la galerie Pace, accueille les visiteurs à l’entrée de la foire helvète d’art moderne et contemporain. Les ventes s’envoleront-elles malgré un contexte mondial incertain ? « Des signes de changement ont été observés à Art Basel Miami Beach en décembre 2022, confie Thomas Hug, fondateur et directeur d’artgenève. Ici, la crise devrait avoir peu d’impact, car la psychologie des acheteurs est différente des grandes foires. Les achats sont rarement compulsifs, mais travaillés en amont et en aval auprès de personnes qui ont compris l’intérêt de l’art comme investissement et placement. Nous offrons aussi une palette de prix diversifiée s’adaptant à différents niveaux de portefeuilles, le tout dans un Salon qui reste à taille humaine. »
Près de 90 galeries seront présentes pour cette 11e édition. « Nous avons près de 80 galeries qui font leur retour », souligne Thomas Hug. Certes, au fil des années, la Foire a agrégé nombre d’enseignes internationales de premier plan qui apportent sans doute en priorité des valeurs sûres et des signatures établies propres à rassurer par les temps qui courent. Parmi elles, l’on retrouve des habitués, tels que les Parisiens Almine Rech, kamel mennour, Perrotin, Applicat-Prazan, 1900-2000, Templon, Nathalie Obadia, Thaddaeus Ropac ou Le Minotaure, avec une exposition historique centrée sur les cercles de la baronne d’Œttingen… Sans compter les Suisses Urs Meile, Mai 36 et von Bartha, ainsi que Capitain Petzel (Berlin), Franco Noero (Turin), Juana de Aizpuru (Madrid) ou encore les Italiens Galleria Continua et Tornabuoni Art. Certains, ayant passé leur tour en 2022 dans un contexte fragile, reviennent cette année, tels Gagosian, Eva Presenhuber, Waddington-Custot, Mitterrand… tandis que Pietro Spartà participe pour la première fois. Mais le tour de force de Thomas Hug est surtout d’aller au-delà des idées reçues, de bousculer un Salon qui pourrait être un peu trop policé.
Foin des clichés sur la Suisse : artgenève ressemble peu aux autres foires, ne serait-ce que grâce à l’arrivée de jeunes enseignes qui apportent du sang frais, comme la Parisienne Afikaris, spécialisée dans l’art africain contemporain, ou encore Kendra Jayne Patrick. Basée à New York, la jeune galerie vient d’ouvrir en octobre 2022 un espace à Berne, en Suisse, et son stand d’artistes interrogeant la féminité ou le colonialisme a été très remarqué à Art Basel Miami Beach en décembre. Et ce n’est pas tout, seront même présentés des « off-spaces » comme All Stars, fondé en 2020 à Genève, pour qui participer à un salon est une première. Toujours dans l’esprit « d’ouvrir le champ », résume Thomas Hug, les allées accueillent par ailleurs de mini-expositions et présentations d’institutions locales et étrangères d’horizons divers, telles que la Fondation Dubuffet, les Serpentine Galleries, à Londres ou… Poush, pépinière de jeunes artistes installée près de Paris, ainsi que la Villa Arson, l’École supérieure d’arts de Nice !
TEMPS FORTS
Plusieurs « focus » rythment de surcroît cette édition. Tout d’abord une exposition, dans la section « estates », consacrée au sculpteur britannique Barry Flanagan, connu notamment pour son lièvre monumental saisi en pleine course. Son univers animalier se déploie dans un désert de sable. « Figure de proue d’une génération d’artistes influents issus de la St Martins School of Art dans les années 1960, il a remis en question l’attitude formaliste promue par Anthony Caro », écrit à son sujet Jo Melvin. Par ailleurs, après la photographie l’an passé, c’est à la « métaphysique » d’être à l’honneur, à travers une sélection opérée par les galeries et présentée séparément. Chef d’orchestre d’artgenève, Thomas Hug connaît la musique. Une section propose des performances sonores, en collaboration, entre autres, avec le CCA Berlin – Center for Contemporary Arts, et accueille également des performances thématisées autour de l’olfactif dans l’art.
Enfin, le Prix Solo artgenève – F.P. Journe fêtera ses 10 ans avec une rétrospective des œuvres primées. La Mobilière dévoilera pour sa part les lauréats de son prix dédié aux jeunes artistes suisses. Le m3 Groupe opère quant à lui une sélection d’œuvres parmi sa collection d’entreprise. Car, c’est aussi cela Genève, des banques et des sociétés très actives en matière d’achats d’œuvres d’art, plusieurs ouvrant leurs portes aux VIP pendant la semaine de la Foire. Les visiteurs sont d’ailleurs vivement incités à fréquenter les expositions des institutions de la ville et des environs. Et les réjouissances ne manquent pas : le nouvel espace du Fonds d’art contemporain de Genève ; la rétrospective Laura Grisi au Mamco ; « Chrysalide. Le rêve du papillon » au Centre d’art contemporain ; Andreas Eriksson à l’Espace Muraille ; Ugo Rondinone au Musée d’art et d’histoire ou encore les galeries du Quartier des Bains…
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Artgenève, 26-29 janvier 2023, Palexpo, 30, route François-Peyrot, 1218 Le Grand-Saconnex, Suisse.