L’édition 2023 du Festival Hors Pistes, organisé par le Centre Pompidou, se penche sur un sujet au cœur de l’actualité : la guerre en Ukraine. Le 24 février 2022, sur ordre de Vladimir Poutine, les troupes russes envahissaient le pays. L’agression d’une démocratie indépendante est un choc pour la communauté internationale. C’est aussi l’impensable : le retour de la guerre au cœur de l’Europe. Pour les Ukrainiens, comme pour les Occidentaux mobilisés pour soutenir le président Volodymyr Zelensky et son peuple face à la barbarie perpétrée depuis par le régime du Kremlin, il y a un avant et un après.
Ce basculement tragique, qui depuis presque un an occupe la une des médias du monde entier, a inspiré le thème choisi par le Centre Pompidou pour sa 18e édition du Festival Hors Pistes : « Voir la guerre et faire la paix ». Voir la guerre, c’est en l’occurrence la montrer. Depuis le début du conflit, les exactions russes comme le quotidien des Ukrainiens sont documentés, à la fois par les observateurs, les médias, mais aussi les populations. Photographies et vidéos ont été déposées par milliers sur les réseaux sociaux, témoignant de la réalité, quasiment en direct, au plus proche du terrain. « Cette manière d’informer, l’OSINT ou "Open Source INTelligence", qui désigne l’exploitation de sources d’information accessibles à tous, ouvre à un autre type de guerre que l’on connaît déjà, mais que les réseaux sociaux démultiplient : la guerre de l’information dans laquelle l’image tient le rôle privilégié de pièce à conviction », prennent acte les organisateurs du Centre Pompidou. Les images amateur relayées par les soldats, les civils, sont ici envisagées sous l’angle de leur capacité à dire la guerre, à fournir des preuves, enregistrer des faits – ou au contraire, à servir la propagande en assénant des contre-vérités. Dans la guerre de l’information, devenue le corollaire de l’affrontement armé, ces nouveaux modes de production et de diffusion ont un impact considérable sur la représentation que nous en avons.
« Faire la paix » est le second propos de cette édition : « Cette réinvention permanente de la guerre au fil des techniques et de la géopolitique contraste et interroge notre conception de la paix, notion restée immuable et figée dans un idéal utopique, mais qui trouve peut-être aujourd’hui les voies d’une réinvention grâce, par exemple, à des réflexions citoyennes sur les possibilités d’harmonie et de respect inter-espèces, où l’homme n’est plus au centre. Reconnaît-on les images de paix ? », interrogent Mathieu Potte-Bonneville, directeur du Département culture et création du Centre Pompidou, et Géraldine Gomez, chargée de programmation.
Pour aborder ces questions, et tenter d’y apporter des réponses, le Centre Pompidou propose une exposition sur le thème de la représentation de la guerre, rassemblant des œuvres de Thibault Brunet, Orianne Ciantar Olive, Arnaud Dezoteux et Celsian Langlois, François Fontaine, Kapwani Kiwanga, Émeric Lhuisset et Hélène Mutter. Sous le titre « La guerre en face », seront projetés cinq films de la cinéaste et vidéaste Danielle Arbid : Seule avec la guerre (2000), Aux frontières (2002), Dans les champs de bataille (2004), Conversations de salon 1 (le pays) (2004), et Un homme perdu (2007). En parallèle, quatre autres séances sont programmées, avec la projection de La Commission de la vérité (1999) d’André Van In sur la reconstruction post-apartheid ; Le Champ des mots (2022) de Rania Stephan ; l’avant-première de Dirty, Difficult, Dangerous de Wissam Charaf ; ainsi que le dernier film de Hind Meddeb sur les soulèvements pro-démocratiques et leur répression au Soudan, couplé à une lecture performance autour d’images récupérées d’Iran par l’artiste Bani Khoshnoudi.
Un débat rencontre est organisé avec le journaliste et chroniqueur géopolitique à France Inter Pierre Haski sur le thème « La fin de l’insouciance ». Nikita Kadan, figure majeure de la scène artistique ukrainienne, présentera un recueil d’images lors d’un événement retransmis en direct. Ont aussi été conviés Jonathan Littell, Antoine d’Agata, Jean-Yves Jouannais autour de son projet au long cours « L’Encyclopédie des guerres » et d’autres invités.
« Comment ces deux esthétiques, à savoir celle de l’image professionnelle et celle de l’image amateur, cohabitent-elles ? En quoi l’image peut-elle devenir une arme de guerre et de manipulation ? Existe-t-il une guerre des images ? » : tels seront également les angles de réflexion partagés lors d’une rencontre animée par Dimitri Beck, directeur de la photographie du magazine Polka, en présence de Florence Aubenas, Laurence Geai et Émeric Lhuisset. S’y ajouteront performances, lectures, concert… Le programme complet est à retrouver sur le site du Centre Pompidou.
Du 20 au 26 janvier 2023, Festival Hors Pistes, Centre Pompidou, Paris.