Günther Förg : Peintures sur Canson
Tout au long de sa carrière de peintre, Günther Förg (1952-2013) n’a cessé de varier les supports, de la toile de coton brut au plomb, au bois ou au papier. Les douze peintures sur papier Canson réunies pour cette exposition datent de la fin du XXe siècle et n’ont pour la plupart jamais été exposées, est-il dit. Elles se mesurent aux tableaux de l’artiste, mais touchent aussi au dessin, avec une peinture acrylique qui sait se faire ultra-fluide et se nourrit de la lumière naturelle de la feuille. Ces œuvres trouvent leur inspiration dans l’abstraction européenne des années 1950 ou dans de simples vues de nature. La fenêtre ou la grille y sont omniprésentes, image ou motif autant qu’élément structurel. C’est comme une série de variations autour de l’idée d’abstraction, un regard sur le passé, et une méditation sur la nature de l’art pictural. Des fragments de nature comme une esquisse, des grilles que semble interrompre la voûte d’une cave, jusqu’à des trames colorées presque clignotantes, en passant par la vision d’un genou sculptural, réminiscence de Giacometti. Dans une surprenante composition, très librement inspirée d’Ernst Wilhelm Nay, de petits blocs de vert ou de noir vivement brossés flottent dans un espace gris électrisé par des traits et des zébrures noirs, comme une façon de créer de l’action, de l’aventure même, avec les plus simples éléments de grammaire : exercice et fugue musicale.
Du 12 janvier au 4 mars 2023, Galerie Lelong & Co, 13 rue de Téhéran, 75008 Paris
Natacha Lesueur : Fumantes par tous les trous
Si les nouvelles créatures imaginées par Natacha Lesueur sont fumantes, cela est dû aux fusées et bougies que celle-ci a choisi de placer sur leurs opulentes chevelures, à moins qu’elles n’aient spontanément pris feu. Ces jeunes femmes aux cheveux teints ou peints en gris incarnent des « Humeurs de fées » et portent des robes de mariées. Elles s’accordent parfaitement à la « pièce montée avec vasque », sorte de fontaine couronnée de cheveux qui se trouve au milieu de la pièce, fruit d’une complexe élaboration mentale. La rage qui habille ou qui habite ces femmes de caractère met à mal une certaine idée du bonheur. S’agit-il d’une violence exercée contre une image ou de l’image d’une violence ordinaire à l’encontre des fées ? Les deux sans doute. Natacha Lesueur ne s’est pas contentée d’enrichir la palette de ses délires, elle a également ajouté le dessin à la photographie, créant de troublants effets, et trouvé ainsi une autre source de renouvellement. Avec la série des « Mères » – Colette, Niki, Hedy –, elle rend hommage à ses proches inspiratrices à travers de grandes héroïnes, donnant libre cours à sa veine baroque. Dans cette exposition particulièrement dense, on voit aussi deux bustes sur fond de papier peint photographique qui réveillent les méchants fantômes de l’exotisme.
Du 14 janvier au 25 février 2023, Galerie Claire Gastaud, 37, rue Chapon, 75003 Paris
Hsia-Fei Chang : Les jeux sont faits, rien ne va plus
« Les jeux sont faits, rien ne va plus » raconte deux années de la vie d’une femme. Au cours de cette période, Hsia-Fei Chang a exercé le métier de croupière, donneuse de cartes dans un cercle de jeux près des Champs-Élysées. Elle en a tiré une très longue série de selfies pris le plus souvent dans l’entrée de son appartement, et quelques photos en noir et blanc de ses collègues consultant leurs smartphones entre deux pauses. L’ensemble de ces photos (343) tirées sur format A4 forme une frise d’une centaine de mètres qui court tout le long des murs de la galerie.
Plus ou moins au milieu, figurent un long tapis reproduisant celui du cercle de jeux, un chat angora taxidermisé, une fontaine d’appartement, et deux poufs pour regarder une vidéo dans laquelle défilent quelques-uns des selfies vus sur les murs, mais aussi des séquences filmées avec les deux jeunes fils, des anniversaires, des notes de shamisen et une rengaine courant tout au long du film, « fais un vœu, où est mon époux ? », qui pourrait bien être une clé. Deux autres vidéos dont une belle et simple tournée au Caire autour d’un tube fluorescent capricieux, contribuent à nourrir un climat sombre et désenchanté. Et ça prend, parce que Hsia Fei Chang use d’un style simple et direct pour nous faire entrer dans son rêve cabossé.
Du 17 janvier au 4 mars 2023, Galerie Laurent Godin, 36 bis rue Eugène Oudiné, 75013 Paris