Blaise Drummond : « A Liquid Note in Spring »
« A Liquid Note in Spring » : sous ce titre énigmatique, Blaise Drummond a rassemblé des tableaux principalement peints sur bois clair avec des éléments de collage. Paysages avec constructions, ou bien, selon le point de vue, façades de bâtiment dans un cadre naturel. De larges ou moins larges réserves sur le bois peuvent aussi bien figurer un sol que dessiner la structure d’une maison moderniste ou la façade d’une habitation forestière. Ces paysages génériques semblent balancer entre le projet d’architecte et le souvenir (vision d’une famille en chemin vers la plage). C’est un univers un peu froid où tout semble mis à plat, mais où l’on respire un parfum de moderne. En rupture avec ce qui ressemble à une série, deux œuvres sur toiles : dans l’une, la figure de Calder dans la verdure, dans l’autre la curieuse chevauchée d’un marin soviétique apparemment poursuivi par un Indien d’Amérique. Ces derniers, comme échappés d’un album à colorier, se détachent sur un patchwork de feuilles collées de pâles rectangles de couleurs, et d’objets divers. C’est comme une rare échappée du réel, une plongée dans les souvenirs d’enfance ou ceux de l’éducation artistique quand les plans de couleurs et les taches ressemblaient à des aventures.
Du 16 décembre 2022 au 11 février 2023, Galerie Loevenbruck, 6 rue Jacques Callot, 75006 Paris
Ceal Floyer
Des tirets qui suivent le contour des murs d’une pièce de l’appartement-galerie à la façon d’un patron à découper avec, au milieu, sur un socle, une tablette électronique montrant la photo d’une paire de ciseaux. Comme en écho, un cercle entrouvert tracé sur le sol d’où s’élève la pointe d’une scie égoïne, tandis qu’au mur une série de dessins reproduisent chacun une pièce de puzzle orpheline. Thématiquement unies, ces trois pièces forment une bonne entrée dans le conceptualisme drôle et poétique de Ceal Floyer.
Réunissant des œuvres de différentes époques, l’exposition nous entraîne dans une dérive qui commence par la photographie d’un parapluie retourné et rempli d’eau et se poursuit par la projection d’un film montrant en plan resserré la formation de minces gouttes d’eau sur un bord de gouttières, jusqu’à la chute de l’une d’elles. À côté est suspendue une cloche de diffusion acoustique qui fait entendre un effet sonore statique. Que l’on associe ou que l’on dissocie l’image et le son, ces deux pièces se rejoignent dans une même invitation à porter attention aux moindres choses. Ce versant méditatif et spéculatif est peut-être la plus belle part du travail de Ceal Floyer.
Du 10 décembre 2022 au 4 février 2023, Galerie Esther Schipper, 16 place Vendôme, 75001 Paris
Anthony D. Green : « Lifestyle »
Les nouveaux tableaux d’Anthony D. Green semblent s’inscrire dans une tradition du pop, rafraîchie par la pictures generation par un propos sur le capitalisme. Les photographies (prises sur des sites commerciaux ou issues de banques d’images) peintes ou en reproduction laser sont sectionnées et/ou répétées comme des trames décoratives où s’enchaînent sourires ultra-larges et chevelures flottantes.
Chacune des œuvres obéit plus ou moins au même modèle, un plan de couleur aux bords arrondis qui occupe les deux tiers de la surface et sur lequel est reproduite une vue d’intérieur ou une scène de bonheur familial, dans le tiers vacant sont dispersés d’autres formes en relief : dos de smartphones, gélules, avec surimpressions ou superpositions plus ou moins incongrues. Ces tableaux jouent à imiter les objets qu’ils reproduisent, assument une fonction de miroir qui écarte l’idée d’une rédemption par l’art, et les effets de peinture n’ont droit qu’à un espace infime. Moraliste, Anthony D. Green ? Voire !
Du 26 novembre 2022 au 28 janvier 2023, Galerie Art : Concept, 4 passage Sainte-Avoye, 75003 Paris
Stéphanie Saadé : « Un mot sur tant de bouches »
Dans une parure de lit de son adolescence, Stéphanie Saadé a découpé des bandes de tissus puis en a cousu entre elles pour dessiner le périmètre et le plan au sol de son appartement parisien. Cette œuvre Stage of Life, à moitié étalée pour s’adapter à l’espace de la galerie, est une bonne entrée dans l’exposition. Cette scène est une façon d’affronter le présent en s’appuyant sur son histoire, de se recueillir et de nous accueillir aussi dans un univers traversé de nombreux lignes et signes de vie. Avec des objets simples, transformés ou détournés de leurs fonctions, l’artiste rapporte des faits d’expérience, croise le très personnel et l’ultra-général. Elle figure, par exemple, les âges de la vie par des empilements de leggings, chaussettes ou T-shirts, dessine un cercle de famille avec trois mèches de cheveux, ou bien encore fait se rencontrer ses deux villes, Paris et Beyrouth, par la superposition du dessin d’un trajet régulier dans la première sur une carte de la seconde. À côté de ces formes d’écriture, c’est une courte vidéo qui vient offrir une vision de l’indéterminé : une mèche de cheveux avec laquelle une main dessine sans interruption sur la surface mouillée d’un carrelage de salle de bains ; en boucle, naturellement.
Du 7 janvier au 25 février 2023, Galerie Anne Barrault, 51, rue des Archives, 75003 Paris