Passionnée, extravagante, dévolue corps et âme à ses artistes, Suzanne Tarasieve est décédée le mardi 27 décembre à l’âge de 73 ans. Pour tous ceux qui l’ont connue, elle restera toujours une personne pleine de joie de vivre, attentionnée, engagée.
Née à Buzançais, dans l’Indre, le 21 octobre 1949, rien ne la prédispose à s’intéresser à l’art. C’est en découvrant au collège, alors qu’elle est élève de 6e, trois petits livres consacrés à Munch, Bosch et Kirchner qu’elle a le déclic, racontait-elle récemment à Vanity Fair dans son numéro de décembre 2022-janvier 2023.
En 1978, à l’âge de 29 ans, elle choisit l’un des hauts lieux de l’histoire de l’art du XIXe siècle, Barbizon, pour ouvrir son premier lieu, la Galerie Triade. Elle y présente au début les artistes de l’École de Paris. À la fin des années 1980, elle a un coup de foudre pour les artistes allemands de renommée internationale comme Georg Baselitz ou Markus Lüpertz. Grâce à sa force de conviction, elle les expose à Barbizon, où elle a entre-temps ouvert un deuxième espace, avec Jörg Immendorff ou A. R. Penk. Dès cette époque, elle est l’une des rares galeristes à publier régulièrement des catalogues accompagnant ses expositions.
Elle franchit un grand pas en 2003 en s’installant à Paris dans un espace de la rue du Chevaleret, dans le quartier des galeries du 13e arrondissement. Elle poursuivra ensuite son développement en ouvrant en 2008 le Loft19, dans le 19e arrondissement. Elle transfère enfin son espace d’un 13e arrondissement finalement délaissé pour s’installer dans le Marais, rue Pastourelle, en 2011. En parallèle, elle a participé à un très grand nombre de foires, telles que Paris Photo, Art Paris, Art Brussels ou Drawing Now. Au cours des années, Suzanne Tarasieve a considérablement enrichi la liste des artistes qu’elle représentait. En photographie, elle a apporté un soutien infaillible à l’Ukrainien Boris Mikhaïlov, le faisant par exemple entrer dans la Pinault Collection, l’artiste bénéficiant jusqu’au 15 janvier 2023 d’une exposition à la Maison européenne de la photographie. Elle a aussi représenté la star des photographes de mode Juergen Teller. Elle a également soutenu les artistes Jean Bedez, Romain Bernini, Eva Jospin, Léopold Rabus, ou des figures historiques comme Jürgen Klauke.
Selon Le Monde, atteinte d’un cancer, Suzanne Tarasieve, qui n’a pas eu d’enfants, a quelque temps avant son décès transmis sa galerie à ses quatre collaborateurs : Alice Vaganay, Veovansy Veopraseut, Julien Bouharis et Lucas Marseille. Ils ont désormais la charge de poursuivre l’œuvre et l’esprit de cette battante, une femme énergique et attachante qui va profondément manquer à la scène parisienne.