Carol Bove : Vase/Face
Avec ses barres d’acier pliées, tordues et comme froissés, Carol Bove parvient à combiner gestes héroïques, qui l’inscrivent dans l’histoire de la sculpture abstraite, et une ironie légère.
C’est un vase de Rubin (qui fait voir de chaque côté un visage de profil), symbole du gestaltisme, réalisé en trois dimensions à structure, qui accueille le visiteur et structure le grand espace sous verrière, aux murs et sol gris. En avant de l’image-paroi, deux sculptures tubulaires en acier sablé, hautes de plus de deux mètres, auxquelles est adjoint un cercle de verre. Dans la deuxième partie de la salle, sur une estrade surélevée se trouvent deux autres sculptures comparables mais à une échelle diminuée. Cette estrade permet de porter un autre regard sur la première partie de l’exposition mais donne aussi l’impression de revivre de façon plus intime l’expérience précédente.
En total contraste avec cette expérience monochrome, l’autre salle de la galerie présente sur des murs tendus de lin gris-mauve, des sculptures-collages dans des tons, jaune, orange et rose, combinant barres pliées mates et cylindres brillants. L’acier prend l’apparence d’un tissu et les formes semblent flotter à la surface des murs comme, est-il dit, sur l’écran de Photoshop. Il est rare de voir un.e artiste faire de la scénographie un acte artistique à part entière qui offre, en même temps qu’une approche physique et sensuelle des œuvres, la possibilité de voir l’exposition comme une projection.
Du 17 octobre au 17 décembre 2022, David Zwirner, 108 rue Vieille du Temple, 75003 Paris
Marie Voignier : Moi aussi j’aime la politique
La nouvelle exposition de Marie Voignier tourne autour de son livre Original Copy, recueil de témoignages de femmes d’Afrique installées à Guanzhou [Chine] pour acheter, commander et exporter des marchandises (prêt-à-porter, accessoires de marque contrefaits…) sur leur continent. Elles sont quelques-unes des actrices de ce que l’on nomme « globalisation contre-hégémonique ». Des phrases tirées du livre sont reproduites sur des posters au mur, tandis qu’un moniteur au sol diffuse des images du travail de chargement des camions de marchandises. Faisant suite à cette exposition, inspirée d’un livre, lui-même issu d’une précédente aventure de cinéma, on peut voir le film Moi aussi, j’aime la politique(2022). Répondant à la demande d’une association qui vient en aide aux migrants dans la vallée de la Roya, entre France et Italie, Marie Voignier fait parler des bénévoles de l’association, français et italiens. En alternance, une jeune femme lit d’une voix neutre quelques récits glaçants sur les violences policières envers les migrants et, comme un autre fil rouge, une conversation entre deux Soudanais, anciens migrants passés par le bénévolat nous accompagne de bout en bout. Chacun des deux aime la politique. À travers des conversations en train, ou en voiture, et quelques plans de paysage, ce film, beau et juste, ouvre à une réflexion large sur quelques-unes de nos frontières.
Du 4 novembre 2022 au 7 janvier 2023, Marcelle Alix, 4 rue Jouye-Rouve, 75020 Paris
Michael Snow : Autour de son nouveau livre
Le livre que Michael Snow a choisi de consacrer aux albums de photos de sa mère, Marie-Antoinette Françoise Carmen Levesque Snow Roig, pour les partager, est un vrai livre d’artiste ; livre que l’on peut consulter ici assis à une table. À côté de cette table, quatre écrans, fixés sur les côtés d’une colonne, diffusent un même film : un tour en bateau autour d’une maison posée sur un lac. Il faut tourner les pages du livre pour comprendre ce qui lie l’artiste à cette maison. La remémoration est aussi une affaire de travelling. Dans la salle de projection, on peut voir Cityscape(2019), pendant urbain à La Région Centrale (1971), monument cinématographique de l’artiste, puisqu’il s’agit dans les deux cas de mouvements de caméra préprogrammés. Cadrant la skyline de Toronto, la caméra panote, tourne, zoome, lentement ou à toute vitesse, sur une musique drum and bass. Vertigineux, naturellement, et drôle aussi, un nouveau tour du magicien Snow.
Du 15 novembre 2022 au 10 janvier 2023, Galerie Martine Aboucaya, 5 rue Sainte-Anastase, 75003 Paris
Hans-Jörg Georgi : Noah Planes
« Je veux faire quelque chose de bien pour le monde. Je vous emmène tous avec moi en voyage ! ». Dessinateur compulsif depuis l’enfance, c’est en intégrant l’Atelier Goldstein de Francfort, il y a une vingtaine d’années, que Hans-Jörg Georgi (né en 1949) a commencé de construire des maquettes d’avions ou d’hélicoptères avec des boîtes de carton à chaussures. Les plus imposants et les plus élaborés dans leur fonctionnalité ont six étages, certains ont un caractère anthropomorphe plus ou moins affirmé. L’imaginaire de Georgi construit avec ces avions (mus par l’énergie solaire) une alternative à un monde déjà suffisamment invivable, ce pourquoi, certains voient dans ces objets une arche de Noé ; ce que l’artiste ne dément pas. Après une première présentation de ses œuvres à la Maison rouge à Paris, et une participation à la dernière Documenta à Cassel, c’est la première fois qu’il expose dans une galerie d’art. Avec une large flotte suspendue de manière à suggérer le mouvement, l’exposition met en avant la qualité plasticienne des œuvres et la force d’un engagement.
Du 8 décembre 2022 au 22 janvier 2023, christian berst – art brut, 3-5 passage des Gravilliers, 75003 Paris