Les architectes japonais Kazuyo Sejima et Ryue Nishizawa ont créé Sanaa au milieu des années 1990. S’ils ont conçu des maisons, des magasins, des bureaux et des bâtiments éducatifs, ils sont surtout connus pour avoir imaginé de nombreux musées aux formes légères qui s’intègrent harmonieusement dans leur environnement. Nombre de leurs bâtiments destinés à accueillir des œuvres, dont leur toute récente extension de l’Art Gallery of New South Wales, à Sydney, sont constitués de pavillons discrets qui permettent au public de les visiter de manière fluide. Ils sont lauréats de l’équivalent du prix Nobel pour l’architecture, le prix Pritzker, en 2010, et ont reçu cette année le Praemium Imperiale au Japon. Ils expliquent leur projet pour l’Art Gallery of New South Wales à Sydney.
En quoi votre bâtiment a été spécialement conçu pour Sydney ?
Sydney est une ville magnifique et le site de ce projet se trouve dans un endroit particulièrement attrayant. La particularité est que l’on peut y apprécier à la fois un panorama naturel et construit de Sydney, et les œuvres d’art. C’est un bâtiment qui dialogue avec la ville, le parc et le splendide port. L’atmosphère change au fur et à mesure que le soleil se lève et se couche, et on peut voir ou ressentir ces varaitions depuis l’intérieur du bâtiment.
Quelle est la teneur des discussions que vous avez eues avec l’Art Gallery of New South Wales avant de commencer le projet ? Aviez-vous une idée des œuvres qui seraient exposées dans chaque espace ?
Après avoir remporté le concours international, nous avons travaillé en étroite collaboration avec le musée afin d’affiner notre concept initial. Le terrain a une histoire importante, la préservation et l’harmonie avec l’environnement étaient donc une priorité pour nous. Tout au long du processus, nous avons discuté de l’importance de créer différents types d’espaces pour exposer les œuvres. Certaines de ces salles sont aménagées dans les trois pavillons en pierre calcaire. Nous avons également imaginé l’exposition d’œuvres dans des espaces plus polyvalents et à l’extérieur, de sorte que dans n’importe quelle partie du bâtiment, le visiteur puisse se sentir en relation à l’art.
Comment l’extension est-elle reliée au bâtiment d’origine ? Son architecture présente-t-elle un contraste marqué ?
Une zone extérieure semi-ombragée ouverte sur tous les côtés relie le bâtiment d’origine et la nouvelle galerie. C’est un espace partagé par la communauté et une grande place ouverte dans laquelle de nombreuses activités peuvent se dérouler simultanément.
Le nouveau bâtiment répond-il aux critères du développement durable ?
De nombreuses mesures ont été adoptées pour réduire la consommation d’énergie, comme l’utilisation de zones tampons pour isoler les espaces les plus climatisés. Mais ce qui est nouveau pour nous, c’est le mur en terre battue, fabriqué avec des matériaux locaux. Il se déploie sur deux niveaux du bâtiment, à l’intérieur comme à l’extérieur, créant ainsi un lien fort avec l’environnement.
Quelle sera, selon vous, la sensation des visiteurs lorsqu’ils découvriront le nouveau bâtiment ?
Nous avons cherché à concevoir un bâtiment qui soit en harmonie avec son environnement. Nous pensons qu’il est important de créer un lieu que tout le monde apprécie et où les gens se sentent à l’aise, afin de les inciter à s’ouvrir à de nouvelles idées et expériences.
Cinq autres grands musées conçus par Sanaa
Musée d’art contemporain du XXIe siècle, Kanazawa, Japon (2004)
C’est le bâtiment qui a mis Sanaa – et la ville japonaise excentrée de Kanazawa – sur la carte du monde de l’art. Au lieu d’un seul bâtiment comportant de grands espaces d’exposition et utilisant des murs mobiles pour les diviser, le design de Sanaa comprend 18 petits espaces. Chacun d’entre eux, qu’il accueille une exposition, une bibliothèque, une librairie ou un restaurant, prend la forme d’un pavillon de verre discret, reliés entre eux par un toit circulaire commun. Les visiteurs sont encouragés à déambuler librement, en choisissant leur propre parcours entre les pavillons.
Pavillon de verre, Musée d’art de Toledo, Toledo, États-Unis (2006)
Toledo a une longue histoire dans la fabrication du verre, et le musée possède l’une des plus importantes collections de verrerie au monde – plus de 5 000 pièces, de l’Antiquité à l’époque contemporaine. En conséquence, le pavillon de plain-pied de Sanaa est un labyrinthe de parois de verre incurvées, permettant à la lumière de pénétrer au cœur du bâtiment. Outre des expositions, le pavillon abrite un atelier de fabrication de verre en activité.
New Museum, New York, États-Unis (2007)
Sanaa a conçu un nouveau bâtiment pour le New Museum à New York, institution dédiée à l’art le plus contemporain et aux idées. Ici, les cubes caractéristiques de Sanaa sont placés les uns sur les autres, comme une pile vacillante de boîtes de jeu de société. En 2008, il a été désigné comme l’une des sept nouvelles « merveilles du monde » architecturales par le magazine Condé Nast Traveler.
Pavillon des Serpentine Galleries, Londres, Royaume-Uni (2009)
De nombreux architectes parmi les plus célèbres au monde ont créé des pavillons estivaux dans le cadre de la commande annuelle des Serpentine Galleries. La contribution de Sanaa a consisté en un simple toit plat aux bords ondulés, soutenu par de fines colonnes. Réalisé en aluminium, il ressemblait à un bassin flottant, reflétant les nuages et les arbres.
Louvre-Lens, Lens, France (2012)
Lorsque le musée du Louvre a décidé de créer une antenne dans la ville de Lens, dans le nord de la France, Sanaa s’est imposé, fort du succès du Musée d’art contemporain du XXIe siècle à Kanazawa. Là encore, les fonctions du musée sont réparties dans des pavillons distincts, ici recouverts d’aluminium et installés dans un ancien site minier. La pièce maîtresse est la Galerie du temps, longue de 125 mètres, où 6 000 ans d’art sont présentés dans une séquence chronologique. Le musée a fêté le 4 décembre les dix ans de son ouverture.