Le nom de Warnod, méconnu des jeunes générations, a pourtant été une référence dans la vie artistique foisonnante de la première moitié du XXe siècle, d’abord à Montmartre avant la Première Guerre mondiale, puis à Montparnasse dans l’entre-deux-guerres, à travers l’épopée de l’École de Paris. Ce terme a été inventé en 1925 par André Warnod dans un article de la revue littéraire Comœdia. « À la fois peintre, dessinateur, écrivain et critique, ce dernier a tenu la chronique des Arts et des Spectacles au Figaro de 1934 à 1960 et a ainsi fréquenté nombre d’artistes qui compteront dans l’histoire bouillonnante de l’art moderne à Paris », souligne Bruno Jaubert, directeur du département d’art impressionniste et moderne chez Artcurial. Il publiera également une trentaine d’ouvrages sur La Butte, les rapins, les bals et les cabarets ainsi que sur la vie de bohème à Montmartre et à Montparnasse.
À sa mort en 1960, c’est sa fille Jeanine qui reprend l’ancienne rubrique de son père au sein du quotidien, jusqu’en 1995. Sa vie fut baignée dans l’atmosphère artistique de Paris à travers des rencontres avec des artistes et amis de son père. « Surtout, Jeanine s’était donné pour mission de transmettre ce que son père avait connu. Elle organisa ainsi de nombreuses expositions dont elle fut la commissaire afin de faire connaître l’École de Paris dans le monde, notamment au Japon, avec pas moins de treize rétrospectives organisées à Tokyo entre 1977 et 1994 », ajoute Bruno Jaubert.
Désormais centenaire, Jeanine Warnod – qui prépare d’ailleurs un texte critique sur Suzanne Valadon pour le catalogue de l’exposition qu’organise le Centre Pompidou-Metz en avril 2023 – disperse aux enchères ses souvenirs ainsi que ceux de son défunt père. Cette collection de onze toiles – pour une estimation globale d’un demi-million d’euros – fut donnée par des artistes qui furent leurs amis. Ainsi de Valadon et Utrillo mais aussi de Léger, Vlaminck, Pascin, Camoin, Foujita, Marcoussis, dont Eau de vie, une rare peinture fixée sous verre de 1915 et estimée entre 25 000 et 35 000 euros, ou enfin Chagall avec Repos sous le bouquet de fleurs, une œuvre donnée en cadeau par le peintre à Jeanine Warnod en 1969 (estimation de 80 000 à 120 000 euros). Têtes de femmes, toile de 1949 de Fernand Léger, est attendue entre 200 000 et 300 000 euros, tandis qu’une scène de ferme sous la lune, à la gouache et à l’aquarelle par Chagall, est évaluée de 80 000 à 120 000 euros. Une belle provenance ancienne qui devrait plaire aux amateurs.
« Art moderne et contemporain - Vente du soir », 6 décembre 2022 à 19 heures, Artcurial, 7 Rond-Point des Champs-Élysées-Marcel Dassault, 75008 Paris.