C’est Ruangrupa qui arrive en première place cette année du Power 100 d’ArtReview, le très attendu classement des personnalités du monde de l’art les plus influentes. Le collectif indonésien occupait la troisième position en 2021. Le moins que l’on puisse dire, c’est que son commissariat de la Documenta 15 de Cassel, en Allemagne, qui a fermé ses portes le 25 septembre, a fait couler beaucoup d’encre. Hélas pour de mauvaises raisons : le cru 2022 de cette manifestation d’art contemporain emblématique, qui a lieu tous les cinq ans, a été émaillé de virulentes polémiques et d’accusations d’antisémitisme portées à l’encontre de la direction artistique et de certains artistes participants, médiatisation qui a parfois relégué au second plan le reste du contenu. Mais le collectif entend poursuivre ailleurs son credo, celui du « lumbung », conception rhizomique du partage des ressources et des tâches dans une grande liberté. « Le pouvoir n’appartient plus seulement à ceux établis en toute sécurité au sommet de leurs hiérarchies respectives, mais aussi à ceux adoptant une attitude bousculant la façon de faire habituelle », notent les auteurs du classement.
Autre événement majeur de l’année 2022, davantage mainstream, la Biennale de Venise s’est déroulée plus sereinement. Le Power 100 d’ArtReview a placé au deuxième rang sa commissaire, Cecilia Alemani, consacrant ainsi son travail, largement salué par la critique et le public – avec une fréquentation record de 800 000 visiteurs (+35 % par rapport à 2019). La manifestation a notamment remis à leur juste place nombre de femmes artistes… Simone Leigh, artiste afro-américaine représentant les États-Unis à la Biennale, où elle a reçu un Lion d’or, arrive en 7e position du classement. En 6e place en 2021, le poète et chercheur – lui aussi afro-américain – Fred Moten arrive cette fois 5e.
Les employés des institutions culturelles américaines ont largement manifesté ces derniers mois pour défendre leurs droits à créer des syndicats (unions en anglais). Ces actions démontrent la volonté des salariés de la culture outre-Atlantique de mieux se défendre face à une législation souvent très différente de celle en vigueur sur le Vieux continent. Art Review a placé ces revendications sociales en 3e position. C’est pour son militantisme justement que la photographe américaine Nan Goldin, très active contre la famille Sackler, propriétaire du groupe pharmaceutique Perdue et mécène de longue date des musées, fait son retour dans le classement à la 8e place.
Enfin, dans les vingt premiers se classent quelques-uns des « méga-galeristes » de la planète, à savoir David Zwirner (9e) ; Iwan Wirth, Manuela Wirth & Marc Payot, le trio de Hauser & Wirth (17e) ; et Larry Gagosian (20e), qui a tout récemment fait entrer dans son conseil d’administration Delphine Arnault, la fille de Bernard Arnault. Toutefois, faisant globalement beaucoup de place aux « communautés », aux activistes et à un spectre international toujours plus large, peu de Français subsistent dans ce cru 2022. N’y figurent en effet ni Bernard Arnault ni François Pinault, et seulement le galeriste Emmanuel Perrotin (46e), Kader Attia (commissaire de la Biennale de Berlin 2022) (72e), la galeriste franco-somalienne Mariane Ibrahim (présente à Chicago et Paris) (62e) ou encore Guillaume Désanges, le président du Palais de Tokyo (77e)…