L’architecte franco-libanaise Lina Ghotmeh, installée à Paris, a été sélectionnée pour concevoir le 22e pavillon de la Serpentine. Ce dernier sera dévoilé à Serpentine Sud, en juin 2023, dans les jardins de Kensington, à Londres.
Le principe de cette commande annuelle est de mettre en lumière les talents émergents de l’architecture internationale et ses grands noms en les invitant à réaliser leur première structure architecturale sur le territoire britannique. Le projet a été lancé en 2000 avec Zaha Hadid. Chaque pavillon accueille des programmes vivants, interdisciplinaires, et constitue une plateforme publique et artistique.
Lina Ghotmeh dirige l’atelier Lina Ghotmeh – Architecture, à Paris, où elle travaille sur des projets à la croisée de l’art, de l’architecture et du design. Ses constructions s’attachent à prendre en compte la dimension historique, sociétale et écologique.
Intitulé À table, son pavillon suit un processus de recherche baptisé « l’Archéologie du futur », attentif au rapport entre le bâtiment et son environnement, faisant écho aux canopées des arbres et au sol sur lequel il est installé. Une table centrale invitera à la convivialité (lire ci-dessous).
« Nous sommes ravis de présenter la première structure de Lina Ghotmeh au Royaume-Uni, ici à la Serpentine, l’été prochain, ont déclaré Bettina Korek, directrice générale, et Hans Ulrich Obrist, directeur artistique. Son projet pour À table s’inspire d’éléments naturels qui reflètent l’environnement des jardins de Kensington et renforce notre mission de créer des liens entre l’architecture et la société, tout en promouvant l’unité et la convivialité dans sa forme et sa fonction. Nous sommes infiniment reconnaissants à nos fidèles partenaires et donateurs, pour avoir fait du brillant concept de Ghotmeh construit à partir de matériaux durables de pointe une réalité inspirante, pour les habitants de Londres et pour nos visiteurs du monde entier, et ce tout l’été. Comme Etel Adnan nous l’a dit un jour, "Le monde a besoin d’unité, pas de séparation. D’amour, pas de méfiance. Un avenir commun, pas d’isolement." »
« Ce pavillon offre un espace de célébration »
Lina Ghotmeh présente son projet pour le pavillon de la Serpentine.
« À table est une invitation au partage et à se retrouver dans le même espace et autour de la même table. C’est une incitation à nouer le dialogue, à se réunir et à réfléchir à la manière dont nous pourrions réintégrer et rétablir notre rapport à la nature et à la Terre.
La Terre sur laquelle nous vivons est notre première source de subsistance ; sans elle, nous, les êtres vivants, ne pourrions pas survivre. Repenser ce que nous mangeons, comment nous "consommons" et comment nous tissons nos relations les uns avec les autres ainsi qu’avec le monde vivant, est indispensable pour avancer vers une union écosystémique et plus durable avec la planète. Notre "cuisine" nous ancre dans notre "Chez soi" ; elle nous rappelle à quel point nous sommes liés aux climats dans lesquels nous avons grandi. En tant que femme méditerranéenne, née et élevée à Beyrouth et installée à Paris, je ressens une profonde appartenance à notre Terre, à ce qu’elle contient et à ce qu’elle offre : des archéologies enfouies et des civilisations passées, jusqu’au monde vivant qui fait germer la verdure et la vie depuis chaque fissure de rue.
En tant qu’architecte, je creuse pour concevoir (apprendre) grâce aux traces du passé tout en écoutant les voix de nos ancêtres et de notre monde vivant. Celles-ci résonnent vivement dans les formes que je dessine avec mon atelier afin de faire face aux défis d’aujourd’hui.
Dans l’ère actuelle, ce pavillon offre un espace de célébration. Il est doté d’une table autour de laquelle nous nous assoirons ensemble sous une structure basse et dans une ambiance rappelant les huttes Toguna du peuple Dogon au Mali, en Afrique de l’Ouest, conçues pour réunir tous les membres d’une communauté autour de la parole et de la discussion. Dans ce pavillon, nous nous retrouverons pour manger, travailler, nous amuser, nous rencontrer, parler, repenser et décider.
Construite avec des matériaux biosourcés et bas carbone, la structure apparaît comme un squelette. Des nervures en bois se multiplient pour faire léviter un toit plissé. Faisant écho aux structures des feuillages des arbres par le dessin de sa canopée, le pavillon honore la nature du parc duquel il émerge. Il nous rappelle les nombreuses vies s’épanouissant sous nos pieds avec les lignes concaves de son périmètre retraçant les cimes et l’étendue des racines des arbres adjacents.
Bien qu’ancré dans son lieu, le pavillon se caractérise par son système adaptable. Il peut être facilement assemblé et désassemblé, lui permettant de vivre ainsi au-delà du site de la Serpentine, tout en conservant la mémoire de son sol d’origine. »