« Le MACS est une pépite d’art au Grand-Hornu, une passerelle entre un bassin minier abandonné et la scène artistique internationale », témoigne l’artiste Fiona Tan, qui a représenté les Pays-Bas à la Biennale de Venise en 2007, et qui fut en résidence au MACS juste avant la pandémie de Covid-19. Le site, proche de la frontière franco-belge, s’avère une destination culturelle à part entière, puisque, dans l’aile opposée à celle qui abrite le MACS, se trouve le Centre d’innovation et de design (CID) de la province du Hainaut, reconnu pour l’originalité de ses expositions et leur qualité scénographique. Outre une vaste pelouse ovoïdale, les deux institutions partagent un espace d’accueil et de billetterie ainsi qu’une librairie-boutique d’art contemporain et de design à l’assortiment de qualité. Enfin, un restaurant gastronomique complète l’attractivité du lieu. Déjà classé au patrimoine exceptionnel de Wallonie, le site a été inscrit par l’Unesco sur la liste du patrimoine mondial en 2012 .
L’ensemble néoclassique monumental de cet ancien charbonnage a été édifié au début du XIXe siècle par le capitaine d’industrie Henri De Gorge, qui y adjoint une importante cité ouvrière au confort inédit pour l’époque. Quand l’activité d’extraction minière de toute cette région frontalière s’interrompt, à partir de 1954, le site tombe dans l’oubli. Menacé de destruction au profit de la construction d’un parking pour un centre commercial voisin, il a été racheté et sauvé par un architecte originaire de la région avant que la province du Hainaut n’en fasse l’acquisition en 1989.
UNE PROGRAMMATION AMBITIEUSE
Premier musée officiel d’art contemporain de Wallonie-Bruxelles, le MACS est inauguré en 2002. La réalisation architecturale de Pierre Hebbelinck se love dans une des ailes du site, rénovée pour l’occasion, et se prolonge par de nouveaux bâtiments situés à l’arrière de la cour ovale. Le musée est alors dirigé par Laurent Busine qui en fut l’instigateur. « On se déplace pour venir ici, explique-t-il. Nous avons cette chance inouïe de posséder le Grand-Hornu, avec la qualité de son bâti et sa simplicité architecturale rassurante, la couleur de ses briques. Des choses y sont possibles que l’on ne peut pas faire ailleurs. »
Les artistes ne s’y sont pas trompés, à l’instar d’Anish Kapoor, Giuseppe Penone, Jean-Marc Bustamante, Anne-Marie Schneider, José María Sicilia, Tony Oursler, James Welling, Adel Abdessemed… qui y ont réalisé des projets ou des œuvres spécifiques à l’occasion d’expositions de référence, sans oublier celles consacrées à Gino De Dominicis ou Fausto Melotti.
Et, bien sûr, Christian Boltanski, dont les monumentaux Registres du Grand-Hornu, que lui avait commandés Laurent Busine en1997, soit cinq ans avant l’ouverture du musée, constituent la première œuvre produite et acquise par le lieu, et devenue depuis sa pièce emblématique.
Plusieurs artistes internationaux, telles LaToya Ruby Frazier ou Fiona Tan, ont également bénéficié de ce soutien à la réalisation d’œuvres ambitieuses, qui sont venues enrichir la collection. La mise en place de résidences d’artistes, aussi bien in situ que hors les murs, par Denis Gielen, le successeur de Laurent Busine à la direction du musée, complète cette politique. Tous deux ont porté une attention toute particulière à la scène des arts plastiques de la Fédération Wallonie-Bruxelles. La moitié du budget annuel des acqui-sitions est dorénavant consacrée aux artistes émergents, qu’ils soient plus ou moins proches de cette scène. Nombre d’entre eux ont par ailleurs bénéficié d’expositions monographiques conséquentes, comme Patrick Corillon, Angel Vergara, Edith Dekyndt, Ann Veronica Janssens, Michel François, Bernd Lohaus, Jacques Charlier, Peter Downsbrough, Johan Muyle, Léon Wuidar ou tout récemment Aline Bouvy.
LA FABRIQUE DU REGARD ET DURESSENTI
L’autre apport majeur de Laurent Busine au MACS est l’organisation d’expositions collectives aux titres poétiques et aux contenus inspirants. Elles ont contribué à l’identité du lieu et à son positionnement en dehors des modes, tout en étant ancrées dans les problématiques contemporaines avec une évidente pertinence du regard. Tout au long de son mandat, une quinzaine d’expositions a été montée, soit presque une par an, dont les emblématiques « L’Herbier et le Nuage» (2002), « Le Beau Corps de la mémoire » (2003), « Des fantômes et des anges » (2007), « Le Soigneur de gravité » (2008), « À toutes les morts, égales et cachées dans la nuit » (2010), « Je suis seul, avec vous » (2011), « Le Miroir et les Chemins » (2012) ou encore « L’Homme, le Dragon et la Mort » (2015). Leurs titres en disent long sur cette approche à la fois poétique et complexe, humaine et personnelle, du monde vu à travers le regard des artistes et du choix de leurs œuvres.
Il n’est alors pas étonnant que, pour célébrer dignement ce vingtième anniversaire, Denis Gielen ait invité Laurent Busine à concevoir une exposition dans le même esprit. Sous le titre « Les Fabriques du cœur et leur usage », celle-ci se divise en une douzaine de chapitres. Elle trace des traits d’union entre la collection du MACS, des œuvres d’art moderne prêtées par des particuliers, des institutions publiques et privées (notamment un remarquable ensemble d’œuvres sur papier de Giorgio Morandi) et des artefacts relevant d’un patrimoine culturel vernaculaire plus ancien. Pour son concepteur, il s’agit de « raconter des histoires qui s’inspirent de faits réels ou imaginaires, d’images glanées çà et là, d’amitiés forgées avec des œuvres et des objets rencontrés au fil des années ». Au sortir des lieux et de cette exposition, le pluriel de l’intitulé du musée se justifie plus que jamais.
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« Les Fabriques du cœur et leur usage », 23 octobre 2022-19 mars 2023, musée des Arts contemporains au Grand-Hornu (MACS), site du Grand-Hornu, rue Sainte-Louise, 82, 7301 Hornu, Belgique.