La Cop27, nouvelle édition de la conférence des Nations unies sur le changement climatique, vient de s’ouvrir à Charm El Cheikh, en Égypte. Le lieu choisi est symbolique : jamais auparavant un sommet de la Cop ne s’est tenu dans un pays aussi intimement lié aux antiquités, des pyramides au Sphinx en passant par le tombeau de Toutankhamon – autant de monuments confrontés aux menaces croissantes d’un climat plus sévère, de températures plus élevées et de la montée des eaux.
Selon Zahi Hawass, ancien ministre d’État égyptien chargé des antiquités, la quasi-totalité des sites archéologiques en plein air en Égypte sont gravement menacés. « À mon avis, dans 100 ans, toutes ces antiquités auront disparu à cause du changement climatique », avance-t-il. Lors de la Cop27, les délégués se demanderont si les musées doivent abandonner leur position historique de « neutralité climatique » au profit de mesures en faveur du climat. Mais ce débat est-il encore pertinent ?
En 2021, l’American Alliance of Museums a commandé une étude qui a révélé que les musées étaient la deuxième source de confiance après les amis et la famille, et qu’ils devançaient largement les scientifiques, les ONG, les médias, le gouvernement et les entreprises. Ce capital de confiance doit-il être mis au service du bien commun ?
Robert Janes, chercheur à la School of Museum Studies de l’université de Leicester, au Royaume-Uni, a été rédacteur en chef de la revue Museum Management and Curatorship de 2003 à 2014. Dans la publication en ligne The Beam, il écrit : « Pourquoi la communauté mondiale des musées ne fait-elle pas face au changement climatique avec sa détermination et son intelligence collectives ? Cela peut s’expliquer par le fait que le changement climatique est un sujet tabou – à ne pas aborder avec la famille, les amis et les collègues. »
Ce tabou doit être dépassé. « Des changements radicaux sont nécessaires dans toute la société pour que le réchauffement de la planète reste inférieur à 1,5°c., déclare Rodney Harrison, professeur d’études patrimoniales à l’University College de Londres. Les musées pourraient jouer un rôle de premier plan dans ces transformations, mais ils ne peuvent le faire que s’ils apportent des changements importants à leur mode de fonctionnement et de communication. »
« Ce qui est frustrant, c’est que tout cela est déjà accepté, déclare Henry McGhie, fondateur du cabinet de conseil sur le climat Curating Tomorrow. Les gouvernements de tous les pays signataires de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques [CCNUCC] et de l’accord de Paris le reconnaissent déjà. Ils ont adopté un nouveau programme, mais celui-ci ne semble pas s’être traduit dans le fonctionnement de nombreux musées. Nous avons une occasion en or d’agir sur le changement climatique dans l’ensemble du secteur, mais nous ne l’exploitons pas. »
Au-delà des sommets de la Cop, l’ONU a également organisé Mondiacult (la conférence mondiale de l’Unesco sur les politiques culturelles et le développement durable) à Mexico en septembre dernier. 40 ans après la première conférence Mondiacult, cette édition s’est concentrée sur la politique culturelle de l’Unesco et sur ses liens avec les politiques de développement durable et de changement climatique adoptées au niveau mondial.
S’exprimant à Mondiacult, Audrey Azoulay, directrice générale de l’Unesco, a reconnu que « malgré des avancées, la culture n’a toujours pas la place qu’elle mérite dans les politiques publiques et la coopération internationale », alors qu’elle joue un « rôle fondamental » dans nos vies. Elle a salué la décision de Mondiacult d’inclure la culture « en tant qu’objectif spécifique à part entière » parmi les objectifs de développement durable des Nations Unies. C’est, selon elle, « un signal fort » et « un engagement à agir ».
« Tous les ministres ont convenu que nous devions mettre à profit la culture dans le cadre du développement durable et des questions environnementales », a déclaré pour sa part à The Art Newspaper Ernesto Ottone Ramirez, sous-directeur général de l’Unesco pour la Culture et ancien ministre de la Culture du Chili.
Cependant, certains commentateurs estiment que Mondiacult aurait pu aller plus loin. « Il a été demandé que la culture soit rendue opérationnelle dans la CCNUCC, mais c’est déjà le cas, pointe Henry McGhie. Plutôt que d’attendre que d’autres domaines stratégiques changent pour intégrer la culture, la politique culturelle devrait être beaucoup plus claire quant à son rôle dans les accords existants. Il s’agit d’une situation typique où le processus d’élaboration des politiques ne s’accompagne pas d’actions claires. »
Une nouvelle définition des musées a été adoptée lors de la réunion annuelle du Conseil international des musées, à Prague, en août 2022. L’action climatique n’a pas été incluse dans cette définition. Le débat se poursuit donc. Même si les pyramides menacent de s’écrouler…