Ce sont des artistes pratiquant et utilisant les images sous toutes leurs formes – sauf la peinture – qui sont rassemblées dans la première édition d’Offscreen, salon qui réunit une quinzaine de galeries, tant françaises qu’internationales. L’image est ici à prendre au sens très large et souvent de manière expérimentale, tous supports et médiums confondus, ce qui confère à la manifestation une certaine dimension historique.
On y trouve des installations - dont celle, magistrale, d’Anthony McCall, invité d’honneur de cette première édition et auteur d’une double projection monumentale et immersive dans le sous-sol du bâtiment, Face to Face IV. Mais également des vidéos, des films, des photographies, des objets sculpturaux, qu’il s’agisse d’images fixes ou en mouvement. Le tout ressemble davantage à une exposition collective qu’à un salon proprement dit, et dont le fil rouge serait l’hybridation et la transversalité.
Pour Jean-Daniel Compain (ancien directeur du secteur Art chez Reed Expositions France), l’un des deux cofondateurs du salon, ce dernier « est un événement en dehors des modèles existants. Il est né du souhait de revenir aux fondamentaux : les artistes et leurs œuvres. Sans oublier, bien sûr, les galeries qui les soutiennent et les accompagnent, en prenant souvent des risques ». Quant au directeur artistique Julien Frydman, ancien directeur de Paris Photo, il affirme « avoir souhaité proposer une expérience sur mesure, intimiste, contemplative, moins déshumanisée et plus digeste ». Le Covid et l’exigence de sobriété sont passés par là.
Dès l’entrée, le visiteur se trouve confronté à la vaste structure ovale du photogramme de Roberto Huarcaya (galerie Rolf Art, Buenos Aires) qui occupe tout l’espace d’un des salons de cet hôtel particulier, l’obligeant à la contourner, sans pouvoir embrasser l’ensemble de l’œuvre. Il en va de même pour l’installation au sol du polyptyque de Suzanne Lafont (galerie Erna Hecey, Luxembourg) dont le chromatisme de ses seize éléments a été retravaillé en inversant les valeurs chaudes et froides.
Les réflexions sur la couleur et son corollaire, la lumière, se retrouvent dans bon nombre de propositions, à commencer par les Physichromies (1962) de Carlos Cruz-Diez (La Patinoire Royale / galerie Valérie Bach, Bruxelles) ou les stupéfiantes solarisations de Daisuke Yokota (galerie JKG, Paris) qui interroge les relations entre mémoire, figures et sensations (à 2 500 euros pièce). Il en va de même dans les recherches expérimentales sur l’image qu’effectue Mustapha Azeroual (scientifique de formation) au travers de ses trois séries complémentaires, Actin (de 1 900 à 3 900 euros), Monade (de 4 500 à 7 500 euros) et Radiance (15 000 euros), que défend la galerie Binôme (Paris). Les procédés photographiques anciens se trouvent ici réactualisés, comme ils le sont aussi chez Ellen Carey (galerie Miranda, Paris) grâce à l’usage du Polaroïd 20x24.
Outre la couleur et la lumière, la plasticité de la photographie est interrogée dans bon nombre de propositions, comme celles de Carmen Winant (Patron Gallery, Chicago), de Roberto Huarcaya déjà cité, de Kenny Dunkan et sa série des Études (de 5 000 à 10 000 euros, à la galerie Les Filles du Calvaire), ou encore les gisants de Dario Villalba (galerie Luis Adelantado, Valence) dont la confrontation avec les œuvres de Roméo Mivekannin (galerie Éric Dupont, Paris) dépasse la relation formelle pour aborder des questions plus politiques, comme le racisme pour Mivekannin.
Enfin à la frontière des arts plastiques, de la photographie et du cinéma, les trois « films d’accrochage » (1956-1960) de Peter Kubelka (38 000 euros, 48 000 euros et 88 000 euros) s’avèrent aujourd’hui encore une référence en termes d’avant-garde cinématographique matérialiste.
Offscreen, jusqu’au 23 octobre 2022, Hôtel Salomon de Rothschild, 11, rue Berryer, 75008 Paris.