Les collectionneurs sont d'humeur acheteuse, les soirées battent leur plein et l’atmosphère de Paris + est à la satisfaction et à la fête. Au deuxième jour de Paris +, il est légitime de se demander quelle répercussion sur la scène artistique parisienne va avoir le succès du nouveau salon. Et quelle place peut prendre cette foire dans l’écosystème de cette ville emblématique et passionnée d’art.
« La question de continuer à soutenir la scène française est essentielle pour nous, déclare Marion Papillon, galeriste et présidente du Comité professionnel des galeries d’art (CPGA). Les organisateurs d’Art Basel ont visiblement pris la mesure du fait qu’ils sont arrivés sur un nouveau territoire, avec une identité propre. Il y a une vraie énergie à Paris aujourd’hui, il faut une force d’entraînement qui bénéficie à tous les acteurs ».
Alors qu’Art Basel a amené à la foire davantage de collectionneurs de haut niveau qui ont réalisé des achats à plusieurs millions de dollars, notamment des œuvres de Joan Mitchell, George Condo et Robert Ryman, de nombreux marchands ont noté que ce niveau d’achat n’aurait pas été possible à la FIAC. Les collectionneurs et les marchands ont également constaté un changement dans les œuvres présentées à la foire. Personne ne s’en est plaint, les ventes se sont maintenues à un rythme soutenu au cours de la deuxième matinée du salon. Inévitablement, la comparaison a été faite avec Frieze et la FIAC, la devancière de Paris +, l’excitation du premier jour étant retombée et l'heure étant davantage à l’analyse.
« Les artistes et les collectionneurs ont toujours été particulièrement attirés par Paris pour son importance historique et sa dimension culturelle. Avec l’ajout de notre dernier espace et de Paris+ par Art Basel, nous avons remarqué que l’attraction s’est amplifiée », nous a déclaré Serena Cattaneo Adorno, directrice de Gagosian Paris, qui a ouvert un lieu rue de Castiglione il y a trois ans, en plus de ses galeries de la rue de Ponthieu et du Bourget, ouvertes il y a une décennie. « Cela reflète notre engagement envers la Ville Lumière, ainsi que la volonté de nos artistes d’exposer dans cette cité importante », a-t-elle ajouté. La méga-galerie a présenté des œuvres de l’artiste britannique Jenny Saville et propose des expositions des Américains Ed Ruscha, James Turrell et Richard Serra dans ses espaces parisiens.
« Beaucoup de nos artistes tenaient à placer leurs œuvres spécifiquement dans de prestigieuses collections françaises, et avec l’engouement suscité par l’édition inaugurale de cette foire, ils ont proposé des œuvres à la fois nouvelles et historiquement importantes. Cela a été grandement apprécié par les collectionneurs locaux et ceux qui viennent de loin. Il y avait une place et un public pour le large éventail d’artistes que nous avons présentés », a-t-elle ajouté.
Si certaines galeries qui auraient exposé à la FIAC ne sont pas présentes à Paris+, cela ne signifie pas nécessairement que la foire est néfaste pour l’écosystème local ; ce dernier va inévitablement évoluer. Au fur et à mesure que Frieze s’est développée à Londres, les foires satellites et les galeries ont bénéficié de son influence. Certaines enseignes exposent à la fois à Frieze et à 1-54, par exemple, présentant différents artistes avec un succès similaire sur les deux événements. Les galeries qui n’exposent pas à Paris+ peuvent, par exemple, participer à Paris Internationale, ce qui permet à cette jeune manifestation de renforcer son poids sur le marché parisien.
« C’est comme un bistrot ou un restaurant où vous allez depuis toujours, et où est écrit : changement de propriétaire. Globalement, les choses vont mieux, le public est monté en gamme, et la qualité des plats aussi. L’addition est un peu plus salée, mais nous avons retrouvé nos habitudes. Ce qui a changé, c’est la clientèle, plus internationale, plaisante Hervé Loevenbruck. Ceux qui ne sont pas présents ici peuvent exposer ailleurs. Nous avons la chance, entre autres, d’avoir Art Paris. Et comme tout le monde s’installe à Paris, nous aurons du monde toute l’année ». « Quant à la défense des artistes français, il suffit de les montrer, les gens sont là », ajoute-t-il.
Le sentiment général est que Paris+ est un plus pour Paris et que, quelle que soit la manière dont le monde de l’art va évoluer autour de cette présence annuelle d’Art Basel, le salon a le potentiel d’être un atout considérable pour les galeries et les artistes.
« Il y a une montée en gamme avec les grands noms du marché, tout le monde est plus en confiance, ils pensent vendre un peu plus cher, analyse Alain Quemin, sociologue français, spécialiste de l’art contemporain, qui exprime des réserves dans cette vague de louanges. Au final, on voit bien le Paris, mais pas tellement le +. Les galeries de premier ordre ont apporté de grosses pièces, mais aussi des artistes plus grand public. Il n’y a pas beaucoup de découvertes. Les gens sont venus pour vendre, pas pour représenter. C’est une deuxième FIAC, mais avec un changement de goût. Un peu plus international, plus américain, un peu plus pop. Plus commercial aussi. Cela rappelle Miami avec ce côté flashy. »
Si tout le monde ne fait pas l’éloge de la foire, montée en neuf mois à peine, il semble bien que son arrivée offre de nouvelles opportunités à Paris.