Il est courant que les collectionneurs privés revendent des œuvres des ensembles qu’ils ont constitués en fonction de l’évolution de leur goût, de la volonté de se créer un capital pour acquérir une pièce importante qu’ils convoitent, ou tout simplement pour réaliser une plus-value quand ils ont donné une dimension spéculative à leur activité dans le domaine de l’art. Cette possibilité est aussi offerte à certaines grandes collections privées qui disposent de musées, comme c’est par exemple le cas de la Pinault Collection. Celle-ci est en effet hébergée juridiquement par une société par actions simplifiée unipersonnelle au capital de plus de 1,13 milliard d’euros. Ses dirigeants peuvent librement faire évoluer la collection en se séparant de pièces sur le marché.
En revanche, ces ventes ne sont pas autorisées aux musées publics de tous les pays. Ainsi, aux termes de la loi n° 2002-5 du 4 janvier 2002 relative aux musées de France, « les biens constituant les collections des musées de France appartenant à une personne publique font partie de leur domaine public et sont, à ce titre, inaliénables ». Des exceptions existent tout de même pour sortir des œuvres des collections, notamment pour permettre des restitutions, tant dans le contexte des objets rapportés d’Afrique que dans celui des spoliations par le régime nazi, à l’exemple de la peinture l’Accomplissement (1909) de Gustav Klimt rendues par les musées de Strasbourg en 1999 aux héritiers d’un antiquaire juif autrichien.
Aux États-Unis, la vente d’œuvres par les musées est chose courante, et porte même un nom, le « deaccessioning ». Le produit de ces cessions ne doit normalement qu’être utilisé pour acquérir d’autres œuvres, mais pendant la pandémie, l’Association of Art Museum Directors (AAMD) a fait preuve de souplesse en permettant à des institutions fragilisées financièrement d’utiliser les fonds pour leur gestion courante. Certaines institutions en ont d’ailleurs largement profité… Dans un contexte de sortie de crise sanitaire, l’AAMD a adopté le 30 novembre une nouvelle directive plus souple que celle qui prévalait précédemment, puisque est dorénavant autorisé, outre « l’acquisition d’œuvres d’art conformément à la politique du musée », l’emploi des fonds pour l’entretien direct des collections. Il s’agit par exemple, selon le texte, des opérations de conservation et de restauration et des frais afférents. Mais, précise l’association, « les fonds reçus de la cession d’une œuvre d’art ne doivent pas être utilisés pour des dépenses de fonctionnement ou d’investissement ». Ces nouvelles directives devraient ainsi mettre fin à toute une série d’abus qui ont créé la polémique outre-Atlantique depuis deux ans.