Jean-Luc Godard s’est éteint le 13 septembre 2022 à l’âge de 91 ans. Après 60 ans de carrière, le cinéaste franco-suisse laisse plus de cent films à la postérité. C’est d’abord comme figure emblématique de la Nouvelle Vague qu’il s’impose, nouveau genre incarné par À bout de souffle, son premier long métrage, en 1960, avec Jean-Paul Belmondo, acteur dont il fera aussi le héros d’un autre film majeur, Pierrot le fou cinq ans plus tard. Entretemps, il interroge aussi le couple dans Le Mépris (1963), avec cette fois Michel Piccoli et Brigitte Bardot. Trois films cultes. Celui qui n’aimait rien tant que prendre à rebrousse-poil les vedettes tentera en 1990 de résumer cet âge d’or dans le bien nommé Nouvelle Vague, avec Alain Delon, moins réussi. La vague était passée.
La Nouvelle Vague, dont il a été l’un des protagonistes aux côtés de François Truffaut – il fut tout comme lui critique de cinéma à ses débuts –, Agnès Varda, Claude Chabrol ou Éric Rohmer, bouscule les codes cinématographiques établis, chamboule la façon de filmer, le jeu des acteurs, incorpore une voix off. Ses thèmes, le couple ou la jeunesse, reflètent souvent les préoccupations des nouvelles générations avant la montée de mai 1968. Dans Le Petit soldat, il se penche sur la guerre d’Algérie et la censure.
Jean-Luc Godard expérimente aussi la vidéo avec sa compagne Anne-Marie Miéville et travaille pour la télévision dans les années 1970. Souvent engagé très à gauche, parfois soupçonné d’antisémitisme, suscitant souvent avec ses films des critiques tranchées, le cinéaste, issu pourtant d’une famille très bourgeoise, était aussi connu pour sa personnalité parfois peu urbaine. En 2006, le journal Le Monde rapportait ainsi comment la préparation de son exposition au Centre Pompidou avait été marquée par de vives dissensions avec le commissaire, Dominique Païni, qui s’était retiré du projet. L’exposition qui se voulait une « archéologie du cinéma » aura finalement lieu sous le titre de « Voyage(s) en utopie. À la recherche d’un théorème perdu. JLG 1945-2005 ».
En définitive, c’était bien l’image animée, la fabrique du cinéma qui le passionnait. Lors de la remise en 2010 d’un Oscar d’honneur au réalisateur, le scénariste Phil Alden Robinson avait déclaré : « Godard a changé la façon d’écrire, de réaliser, de tourner et de monter. Il n’a pas seulement bouleversé les règles. Il les a écrasées en voiture avant de repasser dessus en marche arrière pour être sûr qu’elles étaient bien mortes ». « Une page de l'histoire du cinéma se tourne », vient de commenter Alain Delon.