Phoebe Boswell (née en 1982) envisage l’art comme un outil de guérison et une source de résilience. Née au Kenya et basée à Londres, elle s’intéresse aux traumatismes personnels dans l’optique de panser les souffrances collectives. Sa pratique pluridisciplinaire mêle le dessin, la peinture, la performance, les installations sonores, la vidéo, l’animation et l’écriture afin de « canaliser la souffrance à travers des processus créatifs qui acceptent la vulnérabilité et rejettent les régimes sexistes et racistes oppressifs, sources de restrictions à l’expression de soi ». L’art devient un acte politique au service de la communauté, un moyen d’exploration de soi et de l’autre, menant à une guérison partagée. Son installation multimédia immersive Mutumia (2016), dans laquelle des dessins de corps féminins s’animent au fil d’une séquence sonorisée, est « une ode aux femmes qui, dans l’histoire africaine, ont utilisé leur corps comme arme de résistance lors de conflits où elles ne purent faire entendre leur voix ».
Pour la Biennale de Lyon, Phoebe Boswell crée une œuvre immersive, qui interroge le rapport à l’eau des personnes noires et rappelle que beaucoup d’entre elles ne savent pas nager. S’appuyant sur les réflexions de Mario Gooden et Rinaldo Walcott, elle explore l’histoire de ce rapport compliqué, séquelle du colonialisme, de la ségrégation et des traumatismes liés à l’eau. Pour ce projet, l’artiste a filmé dans une piscine des duos – mère et enfant, frère et sœur, amis ou amants – dont l’un sait nager et l’autre pas. Immergé dans un cube composé de plusieurs écrans sur lesquels sont projetés ces films, le visiteur observe le moment intime de l’apprentissage, au cours duquel des émotions souvent contraires émergent : la tension, la peur et la vulnérabilité, la confiance et la compassion. À ces émotions s’ajoutent les témoignages des participants, les écrits de l’artiste, ainsi que des documents d’archives évoquant les relations historiques des personnes noires à l’eau, que Phoebe Boswell a intégrés aux films et qui contextualisent ces guérisons individuelles d’un traumatisme collectif.