Si l’Europe ne manque pas de festival de photographies, édition après édition, Images Vevey garde sa spécificité, échappant à toute étiquette. Entre festival photo et manifestation d’art contemporain, entre expositions, installations et « entertainment », entre propositions fixes et animées, cette biennale des arts visuels s’impose, avec ses 50 propositions dispersées dans toute la ville de Vevey, comme une forme de spectacle à ciel ouvert qui restitue, et souvent devance, l’évolution des modes de diffusion et de monstration des images aujourd’hui.
L’ambition de nombre de festivals est de défricher une nouvelle génération d’auteurs. Même si chaque cru apporte son lot de découvertes – tel cette année, le Guatémaltèque Juan Brenner qui opère un remarquable travail de mémoire sur les conséquences des expéditions des conquistadors –, le talent de Stefano Stoll, créateur du festival, tient surtout à sa manière de se réapproprier des œuvres fortes, mais déjà bien répertoriées, et d’en donner au public qui déambule une version en adéquation avec le lieu qui l’accueille. Qu’il s’agisse d’un parc, d’une prison désaffectée, d’une église ou des bords du lac Léman. « Je suis décomplexé par rapport à la question de la nouveauté, déclare-t-il. Mon propos est d’offrir une nouvelle manière de montrer des images en plein air et de faire vivre au public une expérience visuelle. »
Avec le bagout et l’esprit de conviction qui le caractérisent, Stefano Stoll obtient beaucoup des grandes stars qu’il sollicite. Cette année, Thomas Struth, qui présente quatre photos géantes sur différentes façades de la ville, n’a pas hésité à recadrer l’une d’entre elles de moitié pour accentuer l’effet de saisissement pour les passants. « Je ne lui aurais jamais demandé, c’est lui qui me l’a proposé. », précise Stefano Stoll. Alec Soth, lui non plus, n’avait jamais montré ses images ainsi. Dans l’Appartement, un lieu d’expositions désormais pérenne qu’à ouvert le festival l’an dernier au sein même de la gare de Vevey, il montre les clichés mélancoliques de sa fameuse série « Dog Days,Bogotá » dans un couloir, à hauteur d’enfants. Siân Davey s’est vue elle aussi proposer une nouvelle interprétation de son travail avec un jumelage de deux de ses séries iconiques consacrées à ses deux filles, « Looking for Alice » et « Martha », présentées dos à dos sur de grandes bâches volantes dans le Jardin du Rivage.
« Je laisse aux musées le rôle académique et le soin d’aller en profondeur. D’ailleurs, je considère qu’Images Vevey est un festival de « projets » et non pas d’expositions », explique son directeur. Les musées adhèrent d’ailleurs sans réserve, et les collaborations se multiplient : avec la Fondation Beyeler pour l’installation vidéo monumentale de Matthias Brunner, Sous l’influence de Claude, Vincent, Paul… et les autres qui déploie sur 20 mètres de long les liens entre l’impressionnisme et le cinéma ; avec l’Institut pour la photographie des Hauts-de-France pour la fameuse série sur les détenues de Bettina Rheims ; avec la Maison européenne de la photographie (Paris) pour l’installation poétique autour de Yesterday’s Sandwich de Boris Mikhaïlov.
Riche de son savoir-faire en matière d’expositions et d’installations déjantées, le festival va d’ailleurs développer des événements « pop-up » en partenariat avec des musées et festivals dans le monde. « Nous sommes en discussion avec le festival Kyotographie à Kyoto, avec un nouveau festival à Palerme, avec le musée Galleria d’Italia à Turin… », conclut Stefano Stoll.
Festival Images Vevey, jusqu’au 25 septembre 2022, divers lieux, Vevey, Suisse.