Frieze lance le 2 septembre sa première foire asiatique dans la capitale sud-coréenne aux côtés de la Korea International Art Fair (Kiaf), créée en 2002, et qui ouvre le lendemain. Les deux foires partageront le COEX Center, Kiaf occupant le premier étage et Frieze le troisième. L’espoir est que ce nouveau modèle de collaboration insuffle une énergie bien nécessaire à une partie de l’Asie de l’Est encore partiellement limitée par les quarantaines et les fermetures liées au Covid-19. « Si vous parlez à n’importe qui ici, il vous dira qu’il est enthousiaste », déclare Patrick Lee, le directeur de Frieze Seoul, auparavant directeur exécutif de la plus ancienne galerie de la ville, Hyundai. « La Corée évolue très rapidement » à mesure que le nombre de cas de Covid diminue et que les restrictions sont levées dans ce pays au taux élevé de vaccination, explique-t-il. « C’est pratiquement terminé ».
Patrick Lee décrit la Corée comme « une puissance mondiale dans les domaines de la culture, de la mode et de la musique », mais note que « l’art est un domaine plus difficile à aborder » car il existe « tellement de conditions pour réussir [dans ce domaine] ». Le directeur estime que Frieze va « élargir l’écosystème ». D’un point de vue pragmatique, la Corée du Sud est « logistiquement très accessible », sans taxe à l’importation sur les œuvres d’art. « Nos règles fiscales sont actuellement attractives, mais elles peuvent toujours changer », nuance-t-il. De plus, s’il n’y a pas de TVA sur les peintures, il existe un prélèvement de 10 % sur les photographies et les lithographies, et plus de 30 % sur les meubles et les objets de design. Les politiques fiscales et successorales du nouveau président Yoon Suk-yeol, conservateur, ont jusqu’à présent été populaires auprès des collectionneurs, et il aurait également promis de doter de 3,66 milliards de dollars (3,65 milliards d’euros) un fonds destiné à développer les arts.
L’ère du Covid a également favorisé l’émergence de ce que les Coréens appellent les « MZers » (milléniaux et génération Z, nés entre 1981 et 2010 environ) s’ajoutant à la base de collectionneurs. Selon un porte-parole de Kiaf, la moitié des 88 000 visiteurs de la foire en 2021 venaient acheter pour la première fois. « Lorsque j’ai commencé à collectionner en 2013, à 23 ans, j’étais le plus jeune collectionneur et il n’y avait personne de mon âge, explique Jason Haam, le fondateur de la galerie éponyme, qui participe aux deux foires. Maintenant, la plupart de mes amis s’intéressent à l’achat d’art et vont dans les musées. Le Covid a poussé les jeunes générations à commencer à acheter. » Il ajoute : « Les MZers ont surtout commencé à acheter de l’art pendant le Covid, lorsqu’il n’y avait rien d’autre à dépenser. Le marché local s’est alors emballé ».
Créer une synergie
Au total, près de 350 galeries participent aux deux foires. Kiaf accueille 164 galeries dans la foire principale et 73 dans une nouvelle section, Kiaf Plus, qui présente des œuvres ultra-contemporaines, y compris l’art des nouveaux médias et les NFT (jetons non fongibles).
De son côté, Frieze réunit 119 galeries de 20 pays, dont 55 implantées en Asie. Frieze Masters, qui présente des œuvres réalisées avant 2000, y compris des antiquités, accueille 18 galeries. Autre section, Focus Asia, organisée par Hyejung Jang du Doosan Art Center et Christopher Y. Lew de la Horizon Art Foundation, met en lumière dix galeries basées en Asie et établies depuis 2010. Parmi les participants figurent la Tabula Rasa Gallery de Pékin et de Londres, qui présente Laetitia Yhap, le Yeo Workshop de Singapour, avec Fyerool Darma, et la Dastan Gallery de Téhéran, avec Ali Beheshti.
Kiaf est géré par l’Association des galeries coréennes, fondée il y a plus de 40 ans, parallèlement à sa Galleries Art Fair, qui se tient actuellement chaque printemps. Selon Patrick Lee, Kiaf offre une « entité » stable qui, combinée avec l’expertise et la réputation mondiales de Frieze, crée une « synergie ». « Nous sommes confrontés les uns aux autres et apprenons les uns des autres, ajoute-t-il. Nous partageons des choses comme la logistique et le marketing ».
Peut-être prudente quant au danger de braconner parmi les exposants de Kiaf, Frieze ne compte que 12 galeries coréennes. Selon Patrick Lee, les propositions des galeries coréennes « étaient particulièrement convaincantes, elles ont tenu leur rang et se portent de mieux en mieux ». Décrivant la foire comme « asiatique » plutôt que coréenne, Patrick Lee explique que l’objectif initial était d’inclure environ 25 % de galeries asiatiques. L’équilibre final comprend des poids lourds régionaux comme Silverlens Galleries, STPI, Taka Ishii Gallery et TKG +, ainsi que des valeurs sûres occidentales comme Gagosian et Hauser & Wirth.
Parmi les galeries qui ont choisi de participer aux deux foires, citons les grands noms coréens Kukje, Arario, PKM, Hyundai et Hakgojae, ainsi que Perrotin, qui dispose d’un espace à Séoul. La galerie Jason Haam, établie à Séoul en 2018 et travaillant avec des artistes tels que Sarah Lucas et Cheikh Ndiaye, fait partie des petites galeries locales qui se joignent aux deux. « Kiaf a toujours été la meilleure foire pour nous ; c’est la meilleure et la plus visitée du pays, souligne Jason Haam. Nous vendons toujours la plupart des œuvres que nous y apportons ».
Néanmoins, les débuts de Frieze promettent de revigorer une scène artistique dynamique mais souvent très locale en Corée. « En tout cas, pour moi, l’arrivée de Frieze dans le pays rend cool le fait de travailler à Séoul et donne aux artistes plus d’intérêt à exposer à Séoul », déclare Jason Haam. Il décrit une scène encore limitée, constituée d’une dizaine de galeries coréennes actives sur le plan international, désormais rejointes par un essaim de galeries occidentales ayant des locaux en Corée du Sud, parmi lesquelles Pace, Lehmann Maupin, Thaddaeus Ropac, Perrotin, Johann König et Gladstone. « Je suis très heureux que le monde de l’art regarde vers nous. La concurrence sera plus rude, mais il y a désormais un plus gros gâteau. », conclut-il.
Frieze Seoul, du 2 au 5 septembre, Coex, Séoul, https://www.frieze.com/fairs/frieze-seoul
Kiaf Seoul, du 3 au 6 septembre, Coex, Séoul, https://kiaf.org/exhibitors-index