Selon le quotidien Libération, le conservateur Jean-François Charnier, ancien directeur scientifique de l’Agence France Muséums, a été mis en examen pour « blanchiment » et placé sous contrôle judiciaire. Il est soupçonné d’avoir facilité la vente d’objets à la provenance illicite au Louvre Abu Dhabi. À l’issue de trois jours de garde à vue dans les bureaux de l’OCBC (Office central de lutte contre le trafic de biens culturels), Jean-François Charnier a été mis en examen ce jeudi 28 juillet pour « blanchiment par facilitation de la justification mensongère de l’origine de biens de l’auteur d’un crime ou d’un délit », précise Libération.
C’est un nouveau rebondissement dans une affaire qui secoue déjà le milieu de l’art mais aussi embarrasse le gouvernement depuis de longs mois. Fin mai, l’ancien président du Louvre, Jean-Luc Martinez, avait été mis en examen pour « blanchiment par facilitation mensongère et complicité d’escroquerie en bande organisée ». Au centre de l’affaire : la vente au Louvre Abu Dhabi de plusieurs pièces d’antiquités égyptiennes pour une somme totale de 15,2 millions d’euros, dont une stèle en granit rose du pharaon Toutânkhamon, présentée dans le musée émirati créé en partenariat avec la France. Ces pièces sont soupçonnées d’avoir été pillées lors du Printemps arabe de 2011, avant de rejoindre l’Europe, à l’aide de faux certificats. À tout le moins, il est reproché de graves négligences à Jean-Luc Martinez, qui n’aurait pas suffisamment étudié la provenance des œuvres.
Au total, selon Libération, ce sont sept pièces d’origine frauduleuse qui auraient été acquises par l’intermédiaire de l’expert parisien Christophe Kunicki pour plus de 50 millions d’euros, et qui auraient été validées par l’Agence France Muséums avant d’être proposées à la commission d’acquisition du Louvre Abu Dhabi, inauguré en 2017.
Diplômé de l’École du Louvre en histoire de l’art et archéologie, Jean-François Charnier, 53 ans, a rejoint cette agence en 2008, avant cinq ans plus tard d’en prendre la direction scientifique. Il était donc à un poste clef dans la chaîne d’acquisition de ces pièces, qui représentaient une manne pour le marché de l’art. Tout récemment, les enquêteurs ont mis au jour six virements suspects effectués entre novembre 2016 et juin 2018, à partir d’une discrète maison de vente belge, 51 Gallery, structure qui selon Libération serait gérée « en sous-main » par deux marchands d’origine libanaise, les frères Aboutaam, à la tête de la galerie Phoenix Ancient Art. Basée à New York et Genève, celle-ci a vu son nom revenir à maintes reprises ces dernières années dans plusieurs enquêtes judiciaires…