C’est un modèle qui n’existait pas : une structure de production d’expositions, comme un studio qui produit des films de cinéma. Nicolas Bourriaud, cofondateur avec Jérôme Sans du Palais de Tokyo, à Paris, il y a vingt ans, ancien directeur de l’École nationale supérieure des beaux-arts, a quitté ses fonctions à la tête du MO.CO., à Montpellier, en 2021, et se lance dans un nouveau projet qui reflète l’évolution du monde de l’art. « Ce qui m’intéresse, explique-t-il, est de transposer dans la vie civile ce qui m’a toujours animé dans le secteur public : l’innovation, les valeurs touchant au rôle de l’art dans la société. Aujourd’hui, c’est le marché de l’art qu’il faut transformer. »
EXPOSITIONS, ÉDITIONS ET RENCONTRES
Radicants tire son nom du livre qu’il a écrit en 2009, Radicant. Pour une esthétique de la globalisation (Denoël), un mot qui traduit l’idée d’un organisme évolutif et nomade. Cette plateforme réunira divers profils de commissaires d’exposition autour de manifestations internationales. Parmi celles et ceux qui travaillent actuellement à des projets en développement : Noam Segal, Sabrina Tarasoff, Bernard Marcadé ou encore Simon Njami… « Dans un cercle vertueux, chaque commissaire invité fait partie de l’économie du projet : si des œuvres sont vendues, ou si toute l’exposition est amenée à circuler, il sera toujours impliqué. Il n’y a de concurrence ni avec les galeries ni avec les institutions. Les commissaires d’exposition sont des producteurs de pensée et de plus-value, car ils mettent les œuvres en perspective et les situent dans une histoire. » La structure a pour actionnaire principal le groupe Hugar, essentiellement actif dans l’architecture écologique et sociale.
Radicants apparaîtra pour la première fois au public pendant la Biennale de Venise (23 avril-27 novembre 2022), à travers l’exposition « Planet B : Climate Change and the New Sublime ». « Cette exposition met en jeu la notion de sublime en tant qu’elle est liée à la psychologie de l’être humain dans l’anthropocène. Ce sera une exploration déromantisée du sublime, liée à la terreur écologique – cela correspond à la définition qu’Edmund Burke donnait du sublime en 1757*1. » L’exposition réunira de jeunes artistes, comme Bianca Bondi, Dana-Fiona Armour, Agnieszka Kurant, Thiago Rocha Pitta, Ambera Wellmann, et des créateurs confirmés, dont Anna Bella Geiger et Gianfranco Baruchello.
À Paris ensuite, un espace de 150 m2 environ ouvrira en mai, dans un petit chalet au fond d’une cour de la rue Commines (3e arrondissement). L’on y verra des expositions personnelles d’artistes historiques, et l’on y assistera à des rencontre et des conversations. Un service d’édition accompagnera la production de ces expositions. L’équipe comprend à ce jour, autour de Nicolas Bourriaud, le galeriste Cyrille Troubetzkoy, les commissaires d’exposition Barbara Lagier et Kuralai Abdukhalikova. Du conseil en développement de projets culturels, à l’intention d’institutions tant publiques que privées, complétera la palette d’activités de cette structure d’un genre nouveau.
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*1 Dans son traité Recherche philosophique sur l’origine de nos idées du sublime et du beau.