Les 1 200 œuvres d’Henri Matisse constituent l’un des trésors des collections du Baltimore Museum of Art, aux États-Unis. Il s’agit du plus important ensemble de l’artiste français conservé dans une institution publique dans le monde.
Pour stimuler les expositions et publications de ces œuvres, le musée a inauguré le 12 décembre le Ruth R. Marder Center for Matisse Studies. L’espace de 230 mètres carrés situé au premier étage de l’institution comprend une salle dédiée aux œuvres sur papier, une salle d’étude et des espaces de travail ouverts sur rendez-vous aux chercheurs et aux étudiants. Il comprend aussi la première commande permanente du musée passée au peintre américain Stanley Whitney, âgé de 75 ans, qui est depuis longtemps influencé par Matisse.
« L’idée est d’être un lieu de réflexion, le cœur battant de Matisse », explique Christopher Bedford, directeur du musée. Ce centre a été conçu par Quinn Evans Architects pour un coût de 5 millions de dollars (4,4 millions d’euros). Un fonds de dotation de 3,5 millions de dollars finance le poste de sa directrice, Katy Rothkopf, également conservatrice des peintures et sculptures européennes du musée.
« Nous n’avons jamais eu d’espace dédié à la présentation de Matisse – Matisse seul, Matisse avec ses amis, son influence sur les artistes travaillant aujourd’hui », explique Katy Rothkopf, qui a organisé l’exposition actuelle « A Modern Influence : Henri Matisse, Etta Cone and Baltimore » (jusqu’au 2 janvier 2022). L’accrochage retrace les 43 ans d’amitié entre l’artiste et cette collectionneuse de Baltimore qui, avec sa sœur aînée Claribel, a légué plus de 600 œuvres de l’artiste au musée en 1949.
Katy Rothkopf espère que le centre permettra d’attirer ses collègues d’autres musées pour des recherches et qu’il suscitera de nouveaux projets à Baltimore, qu’ils soient de grande envergure, comme « A Modern Influence », ou très ciblés, comme « Matisse : The Sinuous Line » (du 12 décembre 2021 au 24 avril 2022), l’exposition inaugurale qu’elle a organisée pour la salle des œuvres sur papier. Partant de la sculpture en bronze de 1909 de Matisse, La Serpentine, l’exposition retrace la manière dont la courbe qui marque cette figure est déployée de manière autonome dans 14 autres bronzes, dessins, gravures et lithographies couvrant quatre décennies. Dans cinq mois, Katy Rothkopf proposera un deuxième accrochage d’œuvres sur papier autour de ce thème.
STANLEY WHITNEY MONTRE ICI COMBIEN LE PÈLERINAGE QU’IL A EFFECTUÉ À LA CHAPELLE DU ROSAIRE DÉCORÉE PAR MATISSE, À VENCE, A MARQUÉ SON PROPRE TRAVAIL
À partir de l’été prochain, la conservatrice Denise Murrell saluée pour son exposition révolutionnaire de 2018 « Posing Modernity : The Black Model from Manet and Matisse to Today » [l’exposition a été montrée en 2019 au musée d’Orsay, à Paris, sous le titre « Le Modèle noir », NDLR], basée sur sa thèse à la Columbia University – inaugurera la première bourse de recherche du centre pendant deux ans, parallèlement à son poste actuel de conservatrice associée au Metropolitan Museum of Art de New York. « Étant donné ses antécédents en tant qu’universitaire, nous espérons qu’elle se penchera sur la relation de Matisse avec les voyages, en particulier ses influences non occidentales», souligne Christopher Bedford.
« IL EST IMPORTANT POUR LE CENTRE MATISSE D’ÉTABLIR CE DIALOGUE ENTRE L’ART MODERNE ET L’ART CONTEMPORAIN »
Dans le couloir reliant le centre de recherche à l’aile contemporaine du musée, Stanley Whitney a transposé pour la première fois dans trois grands vitraux ses vibrantes peintures quadrillées réalisées à main levée. Intitulée Dance With Me Henri, ces compositions de verre soufflé à la main habitent l’espace grâce un superbe jeu de lumière colorée. L’artiste montre ici combien le pèlerinage qu’il a effectué à la chapelle du Rosaire décorée par Matisse, à Vence, dans le sud de la France, a marqué son propre travail.
Les esquisses à l’aquarelle et à la gouache de Stanley Whitney, qui lui ont permis de tester les combinaisons de couleurs pour la commande, seront présentées en novembre 2022 dans le cadre de la troisième exposition du centre, organisée par Katy Siegel, conservatrice en chef pour la recherche et la programmation du musée, qui a suivi la production de l’œuvre avec les spécialistes allemands du vitrail Mayer de Munich. « Il est important pour le centre Matisse d’établir ce dialogue entre l’art moderne et l’art contemporain, en particulier avec les artistes sous-représentés, les artistes noirs, les femmes artistes, dont le rôle dans le modernisme n’a pas été pleinement reconnu.», conclut Katy Siegel.