C’était assez audacieux de la part d’Art Review de placer en tête de son classement annuel des 100 personnalités les plus influentes du monde de l’art… l’emblème codé du NFT sur la blockchain Ethereum, ERC-721.
« LES NFT ONT BOULEVERSÉ LE MARCHÉ DE L’ART, FAISANT SE RENCONTRER L’ART CONTEMPORAIN ET LA CULTURE DES MILLENIALS »
« Les NFT ont bouleversé le marché de l’art, faisant se rencontrer l’art contemporain et la culture des millenials, expliquent les auteurs du palmarès. Avec des prix faramineux atteints l’an dernier pour des œuvres de Beeple et d’autres, le marché de l’art a découvert une nouvelle génération de collectionneurs, tandis que des artistes tout autour du monde ont découvert une façon de commercialiser leurs œuvres qui contourne le vieux système des galeristes ». Feu de joie ou feu de paille ? D’aucuns jugent piètre la qualité des œuvres proposées, quand d’autres redoutent une bulle ou s’interrogent sur l’origine financière des transactions. « Il est trop tôt pour dire s’il s’agit d’une nouvelle façon de faire ou bien s’il s’agit des nouveaux habits de l’empereur [allusion au conte d’Andersen, ndlr], mais les artistes, les galeristes et les musées sur toute la planète se sont mis à agir dans cette direction pour prendre le train en marche », nuance le palmarès. L’une des dernières initiatives en date ? Cette semaine, Christie’s s’est associée à la plateforme NFT Now pour présenter pendant Art Basel Miami Beach « The Gateway », une exposition-vente d’œuvres d’art physiques et de NFT dans un immeuble précédemment dédié… à la finance.
À l’exception de l’artiste allemande Anne Imhof, classée en cinquième position et qui fait son apparition au sein du Art Review Power 100, après sa grande exposition au Palais de Tokyo à Paris, les Européens sont les grands absents du Top Ten. Ce dernier fait la part belle à des chercheurs, penseurs, collectifs et artistes surtout américains mais aussi asiatiques.
L’anthropologue américaine Anna L. Tsing se classe ainsi en deuxième place avec ses réflexions sur le rôle de l’art pour envisager l’avenir de la planète et repenser l’Anthropocène. Troisième, le collectif indonésien Ruangrupa, qui assure le commissariat de la Documenta 15 de Cassel prévue pour juin 2022, perd une place. L’artiste noir-américain Theaster Gates arrive quatrième, tandis que le chercheur lui aussi afro-américain Fred Moten est en 6e place. Carrie Mae Weems, première artiste afro-américaine à bénéficier d’une rétrospective au Solomon R. Guggenheim Museum de New York, en 2014, arrive en 9e place.
Récipiendaire du Deutsche Börse Photography Foundation Prize, la Chinoise Cao Fei se classe 7e. Elle aura droit à une rétrospective à partir du 16 décembre au MAXXI à Rome. Vient ensuite un collectif composé d’une trentaine d’indigènes australiens, Karrabing Film Collective, à l’affiche cette année d’institutions en Chine ou en Allemagne. Enfin, l’anthropologue David Graeber, disparu en 2020, est classé en 10e position, de concert avec l’archéologue David Wengrow, auteurs d’un essai percutant sur les sociétés occidentales et leurs rapports aux « indigènes ».
L’ANTHROPOLOGUE AMÉRICAINE ANNA L.TSING SE CLASSE EN DEUXIÈME PLACE AVEC SES RÉFLEXIONS SUR LE RÔLE DE L’ART POUR ENVISAGER L’AVENIR DE LA PLANÈTE
Parmi les Français, François Pinault, qui a inauguré la Bourse de Commerce à Paris cette année, passe de la 69e à la 33e place. Emmanuel Perrotin arrive 52e, suivi par… son artiste J.R. La Franco-Somalienne Mariane Ibrahim, qui a inauguré cet automne une galerie avenue Matignon, à Paris, fait son entrée dans le classement, à la 67e place. L’artiste franco-algérien Kader Attia arrive en 69e position. Si les poids lourds habituels tels que Gagosian, Zwirner, Hauser & Wirth, Maja Hoffmann ou encore Hans Ulrich Obrist restent dans le classement, celui-ci s’ouvre cette année plus que jamais aux « minorités » et aux noirs. Le reflet d’un monde qui change.