Décidé en décembre 2020, le principe d’une commande massive passée aux artistes, pour qui la crise sanitaire a été particulièrement difficile à traverser, se concrétise en ce début de mois de novembre. Le président de la République avait confié cette mission à Bernard Blistène, dont le mandat de directeur du musée national d’art moderne s’est achevé l’été dernier, à charge pour lui de réunir un comité de sélection. Ce dernier, composé, outre de Bernard Blistène, de Ronan de Calan, Lucie Campos, Julien Creuzet, Rebecca Lamarche-Vadel, Bruno Messina, Caroline Naphegyi, Chloé Siganos et Noé Soulier, a eu à examiner 3 200 dossiers déposés au 22 août, délai de rigueur. Ce sont finalement 264 projets qui ont été choisis, se répartissant sur l’ensemble du territoire, Outre-mer compris (et même au-delà). Nombre de ces commandes doivent être réalisées dans des sites gérés par le Centre des monuments nationaux (CMN) ou le Conservatoire du littoral (CDL). Hier, environ 250 artistes étaient présents dans la salle des fêtes du Palais de l’Élysée pour assister aux discours du président de la République et de Bernard Blistène.
CE PROGRAMME DISPOSE D’UNE ENVELOPPE DE 30 MILLIONS D’EUROS
Ce programme dispose d’une enveloppe de 30 millions d’euros. Selon l’Élysée, « le ministère de la Culture n’a jamais investi autant de budget sur un temps de deux ans, comme cela, pour un programme de commandes aussi vaste, dans autant de disciplines ». Les projets portés par des plasticiens représentent autour de 30 % du total, et beaucoup se sont constitués en collectifs. Les jeunes artistes ont été privilégiés, puisqu’environ 60 % des retenus ont moins de 40 ans.
Les projets dont certains ont été esquissés hier au Palais de l’Élysée vont maintenant rentrer dans leur phase 1. Chacun va recevoir une bourse de recherche de 3 000 à 10 000 euros pour affiner son contenu lors d’une période de trois mois maximums et déterminer le budget nécessaire à sa réalisation en échangeant avec les partenaires potentiels sur les sites envisagés. L’affectation de l’enveloppe financière pour chaque commande sera déterminée à l’issue de cette phase 1.
LES JEUNES ARTISTES ONT ÉTÉ PRIVILÉGIÉS, PUISQU’ENVIRON 60 % DES RETENUS ONT MOINS DE 40 ANS
Par la suite, un site Internet devrait permettre de suivre l’évolution des projets jusqu’à leur réalisation. Un vaste programme, inventif, foisonnant, utopique parfois, pour façonner des Mondes Nouveaux.
EXEMPLES DE PROJETS RETENUS
Wilfrid Almendra
Site à l’étude : Poudrerie Royale de Saint-Chamas (Provence-Alpes-Côte d’Azur) et jardin du château de Versailles (Île-de-France).
Wilfrid Almendra propose une série de sculptures, reliant la Poudrerie Royale de Saint-Chamas avec l’histoire de la Ménagerie du château de Versailles. Explorant la mémoire des matières et des techniques, ainsi que la circulation des représentations végétales et animalières, il ouvrirait ainsi des espaces poétiques entre différents lieux, affirme la note d’intention.
Loris Gréaud
Site à l’étude : Domaine de Frapotel, Hauts-de-France.
Pour son projet /d^v/, l’artiste Loris Gréaud proposerait d’installer une sépulture, un monument sous-terrain empruntant les codes d’une dalle dans une enclave du domaine de Frapotel, dans l’Oise. Performance centrale, la mise en bière d’une colombe naturalisée se voudra, selon la note d’intention, le symbole universel des bouleversements géologiques et sociaux accélérés par l’activité humaine; une image poétique invitant au recueillement et au regard vers un autre monde possible.
Julien Prévieux
Site à l’étude : Station spatiale internationale.
Julien Prévieux voudrait interroger les rationalités technologiques et économiques contemporaines. Avec Codex Spatium, il s’intéresse au droit de l’espace par la réalisation d’un jeu et d’un film questionnant les lois qui régissent la vie en société. Cette performance artistique a vocation à transformer la Station spatiale internationale, l’ISS, en lieu de rassemblement dans lequel astronautes et machines s’exprimeraient sur le sujet comme un espace-écho entre Terre et espace.
Emanuele Coccia, François Roche
Implantation à définir
Le philosophe et écrivain Emanuele Coccia s’est associé à l’architecte François Roche pour concevoir le projet New-Territories. Ils souhaitent inviter le public dans une grotte pour lui présenter un futur archéologique, effrayant et attirant. Les espèces auront muté, dont l’humain technoïde, détaille la note d’intention. Le dispositif serait suggestif (images neuronales, paréidolie, holographies chimériques…) et littéraire (phono-idéographique, chuchotements polyphoniques…).
Ernest Breleur, Stéphanie Brossard, Patrick Chamoiseau et Chris Cyrille
Implantation à définir
À partir des textes d’Édouard Glissant ou encore de Patrick Chamoiseau sur l’impact de la pandémie et de la mondialisation sur la relation au vivant, le collectif martiniquais soutient la création d’un plateau-relationnel, un nouveau terrain de langage pour aborder collectivement la question des catastrophes comme champ d’investigation et de réflexion sur la création de mondes nouveaux. Ce projet contemporain et collaboratif est pensé sous une forme d’itinérance entre la Martinique, la Guadeloupe, La Réunion et la métropole.