« Dire que j’aborde sereinement cette prochaine édition serait mentir. Pour notre 20e anniversaire, seules quarante-deux galeries ont pu répondre à l’appel, dont trois américaines uniquement. Et encore, pourront-elles vraiment faire le voyage ? » s’interrogeait, fin août, Pierre Moos, le directeur de Parcours des mondes. C’est donc une édition essentiellement européenne, à forte dominante française, que les habitués découvriront début septembre, en flânant dans les petites rues de Saint-Germain-des-Prés.
Une seule certitude s’impose : privés de foires et de salons depuis des mois, les collectionneurs piaffent d’impatience de retrouver le chemin des galeries, à la recherche de l’objet rare ou de la pièce au pedigree irréprochable. Car, si la crise sanitaire a bel et bien entraîné une hausse des ventes sur Internet, rien ne saurait remplacer l’émotion immédiate ressentie face à une œuvre en trois dimensions. Si l’on en croit Pierre Moos, le goût des amateurs d’arts premiers ne semble guère avoir changé en profondeur après ces vingt années de Parcours. Ainsi, les pièces africaines emportent toujours 70% des suffrages, loin devant l’Océanie, qui ne représente que 20% des ventes. Qu’elle soit tribale ou classique, l’Asie poursuit sa percée, même si l’on peut regretter que seules deux galeries participent à cette 20e édition dans cette spécialité. Quant à l’art contemporain africain, sa présence reste discrète, comme si les mêmes amateurs hésitaient encore à s’aventurer sur ce territoire…
Les pièces africaines emportent toujours 70 % des suffrages, loin devant l’Océanie, qui ne représente que 20 % des ventes.
Des expositions de qualité muséale
Loin d’être une simple foire d’art tribal, Parcours des mondes a contribué depuis une vingtaine d’années à apporter une autre visibilité à ces arts que l’on dédaignait il y a peu encore. Point de hasard si l’on y croise les conservateurs du musée du quai Branly – Jacques Chirac dès le premier jour ! En proposant au public des expositions thématiques dignes de rivaliser avec celles de certains musées, les marchands font souvent preuve d’une érudition et d’une curiosité impressionnantes. Ainsi, l’on ne saurait trop conseiller de pousser la porte de la galerie Flak qui, sous le joli titre « Rêves arctiques », a rassemblé des pièces eskimos d’exception, dont une tête Okvik d’Alaska d’une pureté toute « brancusienne ». « C’est assurément la plus belle pièce appartenant à cette culture archaïque eskimo qui soit passée entre mes mains », nous confie avec une pointe de fierté Julien Flak. Mais que l’amateur se rassure : si ce chef-d’œuvre absolu est estimé à quelque 200 000 euros, d’autres pièces séduisantes peuvent trouver acquéreur pour une somme bien plus modique, comme une paire de lunettes eskimos ne dépassant guère les 10 000 euros, ou une série de petits charmes magico-religieux taillés dans de l’ivoire de morse oscillant entre 3 000 et 4 000 euros.
Anthony Meyer présente, quant à lui, un magnifique ensemble d’une centaine de pièces façonnées dans la pierre provenant d’Océanie, d’Afrique, des Amériques, d’Asie et d’Australie. Rassemblés avec passion depuis une quarantaine d’années par le marchand, ces mortiers, pilons, pointes de lance et têtes de massue devraient ravir le visiteur par leurs formes sculpturales d’une étrange modernité, telle une lame de hache de Nouvelle-Guinée du XIXe siècle sculptée dans de l’argilite verte aux veinures hypnotiques.
Grand spécialiste de la statuaire du Gandhara (Pakistan), Christophe Hioco a sélectionné de son côté des pièces provenant toutes de collections occidentales, dont une somptueuse tête de Bouddha au chignon bouclé et aux yeux mi-clos qui célèbre, avec bonheur, la rencontre de l’art grec et de la spiritualité bouddhique. Le prix de ce chef-d’œuvre devrait approcher 80 000 euros. Mais, là encore, les collectionneurs en herbe peuvent se laisser tenter par des pièces plus accessibles, comme les frises décrivant avec verve les épisodes de la vie du Bienheureux.
Les amoureux d’art africain se rendront, quant à eux, dans la galerie de Charles-Wesley Hourdé pour y admirer le dialogue tissé entre les sculptures traditionnelles Bambara de l’ancien pays Mandé et une œuvre historique de l’artiste malien Abdoulaye Konaté, issu de cette communauté. Preuve que l’art tribal et l’art africain contemporain ne sont pas d’univers opposés…
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Parcours des mondes, 7-12 septembre 2021, quartier Saint-Germain-des-Prés, 75006 Paris.